Le débat sur le panafricanisme mérite une attention particulière, étant donné son importance pour la vie et le destin de la communauté africaine et de sa diaspora. Ce débat ne doit pas se limiter à quelques intellectuels ou universitaires, ni devenir la chasse gardée d’activistes ou d' »influenceurs » sur les réseaux sociaux. Il doit se dérouler sans pédantisme ni démagogie, en évitant les invectives. Le panafricanisme doit transcender les clivages de classe et de génération pour répondre aux défis contemporains de l’Afrique, sans être perçu comme une idéologie de haine ou de revanche contre la France ou l’Occident.
Le terme « panafricain » est apparu à la fin du XIXe siècle et a pris corps lors de la Première Conférence panafricaine de 1900, organisée par l’avocat trinidadien Henry Sylvester-Williams à Londres. Depuis plus d’un siècle, le panafricanisme a parcouru un long chemin. Mais aujourd’hui, ceux qui en parlent ou s’en revendiquent en comprennent-ils réellement les implications ? Pour certains, il s’agit d’un simple prétexte, pour d’autres, d’un sujet de dissertation vague, tandis que pour une certaine classe, c’est un motif de lutte pour la souveraineté.
Le panafricanisme est une idéologie politique et un mouvement qui promeut l’indépendance totale du continent africain et encourage la solidarité entre les Africains et les personnes d’ascendance africaine, où qu’ils se trouvent dans le monde. Cette idéologie transcende les origines ethniques, les appartenances religieuses et les apparences physiques. Elle constitue une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation des Africains et vise à unifier les Africains du continent et de la diaspora en une communauté mondiale.
Le cœur du panafricanisme repose sur la certitude que les peuples d’Afrique et de la diaspora partagent une histoire et une destinée communes, et que leur progrès social, économique et politique est lié à leur unité. Son objectif ultime est l’intégration politique de toutes les nations et peuples d’Afrique.
Historiquement, le terme « panafricain » est apparu à la fin du XIXe siècle, en préparation de la Première Conférence panafricaine de 1900. L’idée s’est développée en réaction aux conséquences de l’abolition progressive de l’esclavage en Amérique. Des figures fondatrices comme Edward Wilmot Blyden et Anténor Firmin ont contribué à l’expansion du panafricanisme, tandis que des leaders comme W. E. B. Du Bois et Joel Augustus Rogers ont affirmé son projet politique. Avec la décolonisation, le panafricanisme a pris une nouvelle ampleur, incarné par des dirigeants comme Kwame Nkrumah. Aujourd’hui, il s’exprime dans les domaines politique, économique, littéraire et culturel, aussi bien en Afrique que dans les anciennes puissances coloniales. L’Union africaine est actuellement la plus large organisation panafricaine, Quoi qu’on dise.
La polémique actuelle sur le panafricanisme
Le panafricanisme ne doit ni être réduit à une lutte des classes, ni se transformer en débat générationnel. En effet, ce concept suscite des débats passionnés et souvent conflictuels. Certains le perçoivent comme un cadre théorique dépassé, tandis que d’autres estiment qu’il offre une réponse nécessaire et pertinente aux défis contemporains de l’Afrique. Les discussions actuelles sur le panafricanisme sont fréquemment marquées par des divergences idéologiques et stratégiques, reflétant la diversité des perspectives au sein de la communauté africaine et de sa diaspora.
Le panafricanisme, en tant que mouvement et idéologie, ne peut se permettre de se limiter à une lutte des classes ou à un simple débat entre générations. Ce serait réducteur et contre-productif pour un concept qui vise à unir l’ensemble des Africains et de leur diaspora dans une vision commune d’émancipation et de solidarité.
Un cadre théorique désuet ou nécessaire?
Certains critiques considèrent le panafricanisme comme un cadre théorique désuet, notamment en raison des nombreuses tentatives infructueuses d’unité africaine au cours du XXe siècle. Ils pointent les échecs de projets comme celui de l’Union Africaine (UA) à résoudre efficacement les crises économiques et politiques sur le continent. Par exemple, l’incapacité de l’UA à intervenir de manière décisive dans les conflits en Somalie ou en Libye a renforcé cette perception d’obsolescence.
En revanche, d’autres voient dans le panafricanisme une réponse indispensable aux défis contemporains de l’Afrique, tels que la dépendance économique, les ingérences néocoloniales et les crises environnementales. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), lancée en 2021, est souvent citée comme un exemple de l’importance renouvelée du panafricanisme. Elle vise à créer un marché unique africain, stimulant ainsi la croissance économique et réduisant la dépendance envers les marchés étrangers.
Divergences idéologiques et stratégiques
Les divergences idéologiques et stratégiques autour du panafricanisme sont inévitables, étant donné la diversité des expériences et des attentes au sein de la communauté africaine et de sa diaspora. Par exemple, certains leaders africains privilégient une approche axée sur la coopération économique et le commerce, à limage de ceux qui ont soutenu la ZLECAf. D’autres insistent sur la nécessité de réformes politiques et institutionnelles profondes pour atteindre les objectifs panafricanistes.
Par ailleurs, des voix issues de la diaspora africaine, comme celles des intellectuels et activistes tels que W. E. B. Du Bois ou des figures comme Marcus Garvey et Kwame Ture (Stokely Carmichael), ont insisté sur l’importance de l’unité culturelle et de la solidarité transnationale. Cette perspective met en avant le lien historique et le destin commun des Africains du continent et de la diaspora.
Quelques exemples
Un exemple concret de la mise en œuvre réussie du panafricanisme est la collaboration entre plusieurs pays africains pour combattre le groupe terroriste Boko Haram. Le Nigeria, le Cameroun, le Niger et le Tchad ont formé une coalition militaire pour lutter contre cette menace transfrontalière, illustrant ainsi l’esprit de solidarité et de coopération panafricaine.
En revanche, les tentatives de certains régimes militaires d’utiliser le discours panafricaniste pour légitimer leur pouvoir posent problème. En Guinée, au Mali, au Burkina Faso et au Niger par exemple, les militaires au pouvoir au travers des putschs successifs ont invoqué la nécessité de protéger la souveraineté nationale contre le terrorisme et les influences étrangères pour justifier la suspension des institutions démocratiques. Aujourd’hui dans ces régions, les transitions politiques sont devenues très élastiques. Cette instrumentalisation du panafricanisme est critiquée comme étant opportuniste et détournant les objectifs originaux du mouvement.
Le panafricanisme n’est pas la haine de la France ou de l’occident
Le panafricanisme véritable n’est pas porteur de haine ni de revanche, mais vise à l’épanouissement et la réalisation de l’Africain par des valeurs émancipatrices, afin de se libérer de toute domination étrangère.
Le panafricanisme ne doit pas être perçu comme une idéologie de haine ou de revanche contre l’Occident. Sa véritable essence réside dans la promotion de la solidarité, de l’unité et de l’émancipation des peuples africains, libérant l’Afrique de toute domination étrangère par l’autonomisation et l’auto-réalisation des Africains.
Nelson Mandela, figure emblématique du panafricanisme, prônait la réconciliation et le dialogue, envisageant une Afrique unie et forte, libérée de l’oppression par des moyens pacifiques et constructifs.
Lorsqu’il est compris et appliqué correctement, le panafricanisme est une force puissante pour l’unité et l’émancipation des Africains. Il ne doit pas se réduire à une rhétorique de haine ou de revanche, mais se concentrer sur la construction de solidarités positives et la correction des maux internes. Par une réflexion et une action collective, les Africains peuvent réaliser les idéaux du panafricanisme et bâtir un avenir meilleur pour tous.
Les défis et opportunités
Le principal défi du panafricanisme aujourd’hui réside dans sa mise en œuvre pratique. La diversité culturelle, linguistique et politique du continent africain rend difficile l’unification sous une seule bannière. Cependant, les initiatives régionales, comme l’Union africaine, montrent qu’une coopération renforcée est possible.
Le panafricanisme offre également des opportunités significatives pour l’Afrique. En promouvant la solidarité et la coopération entre les nations africaines, il peut contribuer à renforcer la position du continent sur la scène internationale, à stimuler le développement économique et à améliorer la qualité de vie des populations africaines.
Le panafricanisme doit transcender les clivages de classe et de génération pour devenir une force unificatrice capable de répondre aux défis contemporains de l’Afrique. En abordant les divergences idéologiques et stratégiques de manière inclusive et constructive, la communauté africaine et sa diaspora peuvent tirer parti de cette idéologie pour promouvoir la solidarité, la souveraineté et le développement durable sur le continent. Pour ce faire, il est crucial de reconnaître et d’intégrer les diverses perspectives et expériences des Africains du continent et de la diaspora, tout en restant vigilants contre l’instrumentalisation opportuniste du panafricanisme par des régimes autoritaires.