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Bénin/L’essence de contrebande: un fléau aux conséquences dévastatrices

L’essence de contrebande est un fléau au Bénin. Cette pratique illégale, qui sévit depuis des années, cause d’innombrables souffrances et perturbations au sein des populations. Le grave incendie du samedi 23 septembre 2023, dans un dépôt à Sèmé-Kpodji a fait resurgir l’urgence de s’attaquer en profondeur à ce problème. Le ministre des finances a rappelé la nécessité de repenser cette activité dangereuse. Reste cependant à clarifier la position « complice » des agents des douanes qui perçoivent des droits sur un produit reconnu pourtant illicite.

Le Bénin est confronté à un fléau persistant et dévastateur: l’essence de contrebande. Cette pratique illégale, qui sévit depuis des années, bien qu’étant une source de revenue pour de milliers de béninois, n’en continue pas moins de causer d’innombrables souffrances et perturbations au sein des populations. Le samedi 23 septembre 2023, un grave incendie dans un dépôt d’essence de contrebande à Sèmé-Kpodji a fait resurgir l’urgence de s’attaquer à ce problème. Lors de sa visite aux blessés à l’hôpital, le ministre des finances, Romuald Wadagni a rappelé la nécessité pour les gouvernants de repenser cette activité dangereuse.

I. L’Essence de contrebande au bénin : un fléau ancien qui persiste

L’essence de contrebande, communément appelée « Kpayô, » est un problème de longue date au Bénin. Cette substance est importée illégalement et contient souvent des impuretés dangereuses et nocives à la santé. Les trafiquants la manipulent dans des conditions d’insalubrité et d’insécurité, et la vendent ensuite à des prix attractifs, attirant ainsi de nombreux consommateurs à faible revenu. Cette pratique incontrôlée et illégale a engendré une série de conséquences néfastes pour le Bénin.

II. Les Conséquences dévastatrices de l’essence de contrebande

  1. Les pertes humaines

Les chiffres liés aux décès et aux blessures causés par l’essence de contrebande sont alarmants. Les incendies, comme celui de Sèmé-Kpodji, sont fréquents et provoquent au quotidien, un nombre considérable de décès et de blessures graves. Certaines victimes sont souvent des personnes innocentes, dont la seule faute est de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

  • Impact sur la santé

L’essence de contrebande contient souvent des substances toxiques qui peuvent avoir un impact grave sur la santé des consommateurs. L’inhalation de vapeurs d’essence contaminée peut entraîner des problèmes respiratoires, des intoxications et des affections chroniques.

  • Pertes économiques

En plus des vies humaines perdues, l’économie du Bénin subit également des pertes considérables en raison de la contrebande d’essence. Le gouvernement perd des recettes fiscales importantes, et les infrastructures endommagées par les incendies doivent être reconstruites, ce qui représente un fardeau financier supplémentaire.

Faits et chiffres

  • Le Bénin, en tant qu’importateur net de produits pétroliers, a importé 1,2 million de tonnes de pétrole en 2022, dont 90 % provenant du Nigeria voisin. (source:Rapport No.13/286/Cinquième Revue/ International Monetary Fund).
  • Le « Kpayô, » nom donné à l’essence de contrebande, est importé illégalement du Nigeria et vendu à un prix bien inférieur à celui de l’essence officielle, ce qui le rend attractif pour les consommateurs.
  • La contrebande d’essence est une activité lucrative pour les trafiquants, générant plusieurs milliards de francs CFA chaque année.
  • Les dépôts d’essence de contrebande sont souvent mal entretenus et présentent des risques élevés d’incendie.
  • La complicité supposée des autorités douanières, qui accordent des «agréments tacites » en percevant des taxes, régularise de facto des activités officiellement prohibées, alimentant ainsi la corruption.

Les ravages de la contrebande d’essence au Bénin

La contrebande d’essence a des conséquences profondément négatives pour le Bénin :

  • Pertes fiscales : L’État subit des pertes fiscales importantes en raison de la contrebande d’essence.
  • Concurrence déloyale : Les stations-service officielles se trouvent en concurrence avec celles vendant de l’essence de contrebande, qui proposent des prix plus bas, ce qui les pénalise.
  • Risques d’incendie et d’explosion : Les dépôts d’essence de contrebande sont souvent mal entretenus, mettant en danger la sécurité des personnes et des biens.

Les drames de Sèmé-Kpodji

Le drame de Sèmé-Kpodji n’est pas un cas isolé. Le Bénin a déjà été touché par plusieurs incendies dans des dépôts d’essence de contrebande, avec un bilan humain souvent lourd. En 2019, un incendie à Adjarra a fait 12 morts, et en 2020, un autre à Cotonou a causé la mort de 10 personnes.

III. L’Appel du ministre des finances, M. Wadagni

Lors de sa visite aux blessés à l’hôpital, le ministre des finances, Mr. Wadagni, a souligné la nécessité pressante pour les gouvernants de revoir leur approche face à cette activité destructrice. Il a mis en avant les chiffres tragiques de l’incendie de Sèmé-Kpodji comme un rappel poignant de l’urgence de la situation. Il a également insisté sur le fait que le Bénin ne peut plus se permettre de sacrifier la vie de ses citoyens au nom de la contrebande d’essence et que seule la reconversion des acteurs vers d’autres activités décentes constitue la meilleure issue.

Romuald Wadagni. Verbatim : «Régler la question du « kpayo ». […] « C’est un commerce qui dure depuis plusieurs décennies et c’est plusieurs milliers de familles qui se nourrissent de ce commerce. C’est une activité dangereuse» […] «Les personnes qui s’adonnent à cette activité, le font parce qu’elles n’ont pas le choix». « La lutte contre le « kpayo » ne pouvant être gagnée d’un coup de baguette magique. «il faut reconvertir les gens. Il faut un processus d’accompagnement». A cet effet «le gouvernement a lancé depuis l’an dernier, un programme de mise en place de mini stations». Selon Wadagni, «c’est plus de 5000 personnes qui ont été reconverties au métier du textile à Glo-Djigbé». « C’est du concret. C’est des personnes qui n’avaient aucune compétence dans le textile, qui faisaient d’autres activités, essentiellement de l’informel qu’on a repris pour former et qui aujourd’hui, ont un emploi décent.[…] «Nous sommes convaincus qu’en donnant un métier décent à ces acteurs, ils vont pouvoir changer d’activité».

Le Ministre Wadagni: «La lutte contre le « kpayo » ne pouvant être gagnée d’un coup de baguette magique»

Le discours du ministre d’État en charge de l’économie et des finances, Romuald Wadagni, en réaction au tragique incendie de l’entrepôt d’essence de contrebande à Sèmé-Kpodji, reflète une prise de conscience profonde des enjeux liés à cette activité dangereuse et illégale. En revanche, le ministre a éludé la part de responsabilité des services de la douane béninoise. En effet, le drame de Sèmé-Kpodji a mis en lumière la complicité des gouvernants dans le commerce de la contrebande d’essence au Bénin. Car, malgré le caractère hautement dangereux et illicite de ce commerce, les agents de la douane béninoise accordent des «agréments tacites» aux commerçants de ces produits de contrebande dont ils perçoivent régulièrement des taxes et fixent les prix de cession aux consommateurs. Cette attitude des autorités douanières est ni plus ni moins qu’une régularisation détournée d’activités officiellement prohibées. Une démarche anachronique qui puise ses fondements dans la corruption.

1. Urgence de régler la question du « kpayo ». Le ministre Wadagni reconnaît d’entrée l’urgence de régler la question du « kpayo ». Cette prise de position met en évidence la gravité de la situation et l’engagement du gouvernement à agir rapidement.

2. La durée et l’étendue du commerce illégal. Le ministre souligne que le commerce du « kpayo » perdure depuis plusieurs décennies et que plusieurs milliers de familles en dépendent. Cela montre une compréhension de la complexité du problème et de son enracinement dans la société.

3. Une activité dangereuse par nécessité. Wadagni reconnaît que de nombreuses personnes se livrent à cette activité illégale par nécessité, car elles n’ont pas d’autres choix. Cette perspective humanise les acteurs de la contrebande en montrant qu’ils sont souvent contraints par des circonstances économiques difficiles.

4. La reconversion comme solution. Le ministre insiste sur l’importance de la reconversion des acteurs de la contrebande. Il mentionne le programme de mise en place de mini stations comme une mesure concrète. De plus, il cite l’exemple positif de plus de 5000 personnes reconverties dans le secteur du textile, ce qui démontre la faisabilité de cette approche.

5. La promesse d’un avenir meilleur. Wadagni exprime la conviction que donner un métier décent à ces acteurs leur permettra de changer d’activité. Cette perspective optimiste montre que le gouvernement a foi en la capacité des individus à se réorienter vers des activités légales et plus sûres.

En somme, le discours du ministre Wadagni met en avant une approche équilibrée face au problème du « kpayo ». Plutôt que de se contenter de répression, le gouvernement cherche à résoudre les racines du problème en offrant des alternatives aux personnes impliquées dans la contrebande. Cette approche combine à la fois l’empathie envers ceux qui se livrent à cette activité par nécessité et la volonté de garantir un avenir meilleur pour eux. Elle illustre une démarche pragmatique et socialement responsable pour lutter contre la contrebande au Bénin. Reste cependant à clarifier la position « complice » des agents des douanes qui perçoivent des droits sur un produit (l’essence de contrebande) reconnu illicite.

IV. Les Efforts du gouvernement et des organisations internationales

Le gouvernement béninois, conscient des ravages de l’essence de contrebande, a entrepris diverses actions pour lutter contre ce fléau. Des mesures de répression plus strictes, des campagnes de sensibilisation et des opérations de démantèlement de réseaux de contrebande ont été lancées. De plus, des organisations internationales telles que l’ONU et l’Union africaine ont apporté leur soutien au Bénin pour endiguer ce problème.

V. Les Défis persistants

Malgré les efforts en cours, la contrebande d’essence demeure un défi persistant au Bénin. La demande pour l’essence bon marché continue d’attirer des trafiquants, tandis que les populations vulnérables sont prises au piège de cette économie informelle dangereuse. La corruption au sein des forces de l’ordre contribue également à la persistance de ce problème.

Que certains fonctionnaires assermentés accordent des «agréments tacites» aux commerçants de produits de contrebande en échange de taxes met en évidence une complicité présumée entre les autorités et les contrebandiers. Ceci laisse suggérer que des activités illégales sont effectivement régularisées par les autorités. Cette situation est profondément préoccupante, car elle sape la légitimité et l’autorité de l’État.

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