Entre rêve de méritocratie et réalité des inégalités, Boni Richard Ouorou interroge la société béninoise sur l’avenir d’un pays où le pouvoir semble dicter l’accès aux opportunités. Une réflexion profonde qui transcende le simple témoignage personnel pour toucher une problématique universelle. « Comment peut-on envisager un avenir prospère pour notre pays si l’accès aux opportunités dépend des relations de pouvoir plutôt que du mérite ? «
NDLR/« Comment espérer construire un avenir prospère pour notre pays lorsque l’accès aux opportunités est déterminé par des liens de pouvoir et non par le mérite ? » C’est avec cette question, douloureuse mais cruciale, que Boni Richard Ouorou, leader du Mouvement Libéral-Bénin, interpelle ses compatriotes dans une récente publication sur Facebook. En partageant une expérience personnelle marquée par des injustices flagrantes, il ouvre une discussion nécessaire sur les fondements mêmes de la société béninoise et celle en devenir: méritocratie ou oligarchie ?
Un constat amer: quand les privilèges étouffent les initiatives
Dans son message, Ouorou relate son expérience lors du festival We Love Eya, un événement culturel qui, malgré sa réussite, symbolise pour lui une fracture sociale majeure. « Cet événement aurait-il reçu le même soutien, les mêmes ressources et la même reconnaissance s’il n’avait pas été orchestré par le fils du chef de l’État ? », s’interroge-t-il. Cette question, à la fois personnelle et systémique, met en lumière une réalité troublante : au Bénin, comme dans de nombreux pays, les privilèges hérités ou acquis par proximité au pouvoir semblent primer sur la compétence et les efforts. Le leader politique illustre cette problématique par sa propre tentative infructueuse d’organiser un événement au Palais des Congrès. Malgré des démarches administratives rigoureuses et des investissements financiers considérables, son projet s’est vu bloqué par des obstacles « arbitraires ». Une perte sèche de 34 millions de francs CFA, non imputable à un manque de préparation, mais bien à un environnement où les projets doivent être adoubés par le pouvoir pour prospérer.
La méritocratie, un idéal en sursis
Le rêve d’un Bénin où les opportunités sont accessibles à tous semble encore loin. Comme l’écrivait le philosophe John Rawls, «une société juste est une société où les inégalités profitent à tous, particulièrement aux plus défavorisés». Mais dans le contexte décrit par Ouorou, les inégalités paraissent plutôt verrouillées par des mécanismes d’exclusion systémique. Cette problématique n’est pas nouvelle. Des penseurs comme Frantz Fanon ont souvent dénoncé le népotisme et le favoritisme dans les sociétés post-coloniales, qualifiant ces pratiques de « vestiges d’un pouvoir colonial déguisé ». Ce favoritisme exacerbe les frustrations et crée un climat où la population perd confiance en ses institutions.
Culture et inclusion: un enjeu national
Le festival We Love Eya, bien qu’inspirant, illustre pour Ouorou une culture réservée à une élite. Loin de critiquer l’événement en soi, il appelle à une institutionnalisation qui en ferait un patrimoine national, accessible à tous. « Pourquoi ne pas envisager de transformer cet événement en un bien commun, non réservé à une minorité privilégiée ? », propose-t-il. Cette idée rejoint les réflexions de Pierre Bourdieu, qui voyait dans la culture un espace de pouvoir autant qu’un lieu de transmission. Selon Bourdieu, une société inclusive est celle qui démocratise l’accès aux biens culturels, permettant ainsi à chaque citoyen de participer pleinement à la vie collective.
L’injustice comme moteur de réflexion collective
Ce qui frappe dans la réflexion de Ouorou, c’est son appel à une action collective. Plutôt que de se résigner face aux injustices, il invite ses compatriotes à réfléchir et à agir ensemble pour bâtir un avenir plus équitable. Ce n’est pas seulement une dénonciation : c’est un cri d’espoir pour un renouveau national. Amartya Sen, économiste et philosophe, a souvent souligné que «le développement n’est pas seulement une question de croissance économique, mais d’élargissement des libertés réelles dont jouissent les individus». Dans cette optique, l’égalité d’accès aux opportunités devient un élément clé pour transformer le Bénin.
Construire un Bénin méritocratique: des pistes d’action
Pour répondre à cette problématique, il est nécessaire d’envisager des réformes structurelles et culturelles. Voici quelques pistes pour avancer vers une société plus juste :
- Transparence administrative : Instituer des processus transparents pour l’octroi de subventions et l’organisation d’événements, afin de garantir une égalité d’accès.
- Institutionnalisation des initiatives culturelles : Transformer les événements populaires en institutions nationales, ouvertes à tous les citoyens.
- Renforcement de l’État de droit : Garantir que les lois et règlements s’appliquent de manière équitable, sans favoritisme.
- Éducation au mérite : Promouvoir des valeurs méritocratiques dès le plus jeune âge à travers le système éducatif.
Un appel à la prise de conscience
Alors que le Bénin entre dans une nouvelle année, le message de Boni Richard Ouorou est un rappel poignant que le changement commence par une prise de conscience collective. Il ne s’agit pas seulement de dénoncer, mais de construire. « Réfléchissons ensemble à ces injustices qui divisent notre société et à la manière dont nous pouvons œuvrer pour une inclusion véritable », conclut-il avec une note d’espoir. Dans un monde où les lignes de pouvoir semblent souvent écrites à l’encre indélébile, il appartient aux citoyens, penseurs et dirigeants de repenser ces structures. Car, comme le disait Nelson Mandela, « cela semble toujours impossible jusqu’à ce qu’on le fasse ».
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LE TEXTE DE Boni Richard OUOROU
Bonsoir, chers compatriotes,
En cette nouvelle année, j’éprouve le besoin de partager avec vous une réflexion qui me tient à cœur, nourrie par mon expérience récente au festival We Love Eya. Cet événement, véritablement inspirant et magnifiquement orchestré, soulève en moi des interrogations profondes sur les inégalités qui gangrènent notre société béninoise.
Alors que je me réjouissais des retombées économiques qu’un tel festival pourrait générer pour notre pays, une question cruciale m’est apparue : cet événement aurait-il reçu le même soutien, les mêmes ressources et la même reconnaissance s’il n’avait pas été orchestré par le fils du chef de l’État ?
Il est légitime de se demander si un Béninois sans les prérogatives d’un tel lien aurait pu bénéficier du même encadrement, des mêmes autorisations, et de cette protection qui semblent réservées à une élite. Nous, membres du mouvement libéral, avons vécu la dure réalité de cette inégalité. Lors de notre tentative d’organiser un événement au Palais des Congrès, malgré nos efforts pour obtenir toutes les autorisations nécessaires, nous avons été confrontés à des obstacles arbitraires. Nous avons perdu une somme considérable environ 34 millions, non pas en raison de notre incompétence, mais parce que notre projet ne s’inscrivait pas dans les bonnes grâces des autorités et peut-être du pouvoir.
En tant que citoyens, nous avons souvent l’impression que nos initiatives sont étouffées par des décisions qui ne reposent sur aucune justification valable. La question qui se pose alors est la suivante : comment espérer construire un avenir prospère pour notre pays lorsque l’accès aux opportunités est déterminé par des liens de pouvoir et non par le mérite ?
Je suis allé au festival Eya avec l’intention de soutenir notre culture et de célébrer les initiatives qui font briller notre pays. Mais je ne peux m’empêcher de penser que nous avons tous un rôle à jouer, indépendamment de notre statut ou de nos relations. Pourquoi ne pas envisager d’institutionnaliser cet événement, de le transformer en un patrimoine national, accessible à tous, et non seulement à une élite privilégiée ?
Réfléchissons ensemble à ces injustices qui divisent notre société et à la manière dont nous pouvons œuvrer pour une inclusion véritable. Puisse cette année être celle de la prise de conscience et de l’action collective pour un Bénin où chacun a sa place, peu importe son origine ou ses connexions.
Commençons l’année avec de bonnes réflexions et de bonnes perspectives.
Prenez soin de vous,
Boni Richard Ouorou