La FIDH et l’OMCT interpellent la Côte d’Ivoire et le Bénin face à leurs responsabilités dans l’enlèvement nocturne du journaliste béninois Comlan Hugues Sossoukpè à Abidjan. Son extradition illégale, marque un tournant inquiétant pour les libertés en Afrique de l’Ouest rappellent Fidh et l’Omct dans une déclaration parvenue à notre rédaction. Les deux organisations internationales exigent des explications du gouvernement ivoirien sur cette extradition de fait, et pressent les autorités béninoises de respecter les engagements internationaux du pays. «Cette affaire révèle une dangereuse collusion entre États contre les voix critiques. Une mobilisation internationale s’impose pour exiger sa libération immédiate».
Ce 18 juillet 2025, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de leur Observatoire pour la protection des défenseur•es des droits humains, ont publié un appel urgent concernant l’enlèvement et la détention arbitraire de Comlan Hugues Sossoukpè, journaliste et défenseur des droits humains béninois. Cette affaire choquante, survenue à la suite d’une opération transfrontalière illégale entre la Côte d’Ivoire et le Bénin, soulève de graves inquiétudes sur le respect des engagements internationaux des États africains en matière de protection des réfugiés et des libertés fondamentales.
Un parcours de courage et d’engagement citoyen
Comlan Hugues Sossoukpè est loin d’être un inconnu dans les sphères journalistiques et militantes du Bénin. Fondateur du journal d’investigation Olofofo, interdit en mars 2025 par les autorités béninoises, il s’est imposé comme une voix critique indépendante, osant aborder des sujets sensibles tels que la corruption, la gouvernance autoritaire et les droits humains. Exilé au Togo depuis 2019 après avoir reçu de sérieuses menaces à la suite de sa couverture des législatives controversées de la même année, il avait obtenu le statut de réfugié en 2021. Depuis lors, Sossoukpè a continué son travail à distance, informant la diaspora et les acteurs internationaux sur les dérives du régime de Patrice Talon. Il avait notamment récemment alerté Reporters Sans Frontières (RSF) sur des menaces renouvelées, même au Togo, à la suite de ses publications sur la gestion des attaques terroristes dans le nord du Bénin.

Un enlèvement aux relents de complicité́ étatique
Le 10 juillet 2025, alors qu’il participait à l’“Ivoire Tech Forum” à Abidjan, Sossoukpè a été violemment interpellé dans sa chambre d’hôtel par des policiers ivoiriens. Emmené sans mandat ni notification officielle, il a été déporté par vol privé au Bénin via le salon d’honneur de l’aéroport international d’Abidjan. Ce traitement de faveur réservé aux VIP montre une coordination préméditée entre les deux États. La Côte d’Ivoire, en agissant ainsi, viole de manière flagrante le principe de non-refoulement prévu à l’article 33(1) de la Convention de Genève de 1951, qui interdit le renvoi d’un réfugié vers un pays où il risque des persécutions. En outre, l’article 3 de la Convention contre la torture interdit tout transfert vers un pays où l’on peut raisonnablement croire que la personne sera soumise à des traitements inhumains.
Une détention politique maquillée en procédure judiciaire
Arrivé à Cotonou, Sossoukpè a été placé en garde à vue à la brigade économique et financière, puis présenté le 11 juillet au juge d’instruction de la CRIET. Il est poursuivi pour des chefs d’accusation graves mais flous : « incitation à la rébellion », « harcèlement par voie électronique », « apologie du terrorisme »… Des qualifications souvent reprochées au Bénin dans les cas d’opposants ou de journalistes critiques. Le 14 juillet 2025, il a été officiellement placé en détention provisoire à la prison de Ouidah. Pour les observateurs internationaux, cette détention est purement arbitraire et constitue une violation du droit à la liberté d’expression.
Réactions et appels à la mobilisation internationale
La FIDH, l’OMCT et d’autres organisations de défense des droits humains appellent à la libération immédiate et inconditionnelle de Comlan Hugues Sossoukpè. Elles exigent des explications du gouvernement ivoirien sur cette extradition de fait, et pressent les autorités béninoises de respecter les engagements internationaux du pays. Ce cas met à nu la fragilité des protections internationales pour les défenseurs des droits humains en Afrique de l’Ouest. Il souligne l’urgence de mettre fin aux complicités politiques transfrontalières qui bafouent les conventions humanitaires.
Un test pour l’État de droit en Afrique
L’affaire Sossoukpè est un signal d’alarme. Elle interpelle non seulement le Bénin et la Côte d’Ivoire, mais aussi toute la communauté internationale sur le recul des libertés fondamentales en Afrique de l’Ouest. Elle exige une riposte coordonnée des institutions régionales comme la CEDEAO, ainsi qu’un renforcement des mécanismes de protection des journalistes et des réfugiés. Loin d’être un cas isolé, Sossoukpè rejoint la longue liste des journalistes, activistes et opposants pourchassés dans leur propre pays et traqués jusque dans leur exil. Sa liberté conditionnera celle de tous les autres défenseur•es des droits humains en Afrique.
#FreeSossoukpe
