Au cœur de la lutte contre la criminalité, les informateurs sont des acteurs essentiels, transmettant aux forces de l’ordre des renseignements décisifs. Mais que se passe-t-il lorsque ces précieux alliés deviennent des cibles vulnérables, et que la police, censée les protéger, les abandonne à leur sort ?
Au Bénin, les informateurs sont les sentinelles silencieuses de la lutte contre la cybercriminalité. Ils infiltrent les milieux criminels, recueillent des preuves et permettent des arrestations. Mais lorsqu’ils deviennent les proies ou se trouvent exposés, menacés et abandonnés, une question brûlante se pose: la police protège-t-elle ses propres alliés ou les livre-t-elle aux loups ? L’affaire N.M. alias Baba Yéton illustre cette faillite sécuritaire. D’informateur efficace, il est devenu une cible de vendetta numérique, victime d’une chasse aux sorcières orchestrée sur les réseaux sociaux. Harcèlement en ligne, diffusion de ses informations personnelles, appels à sa liquidation… Plus troublant encore, les cybercriminels qui le pourchassent semblent toujours un coup d’avance. Faut-il y voir une simple négligence policière ou l’ombre inquiétante de taupes au sein des forces de l’ordre ?
La cybercriminalité au Bénin: un fléau en pleine expansion
Depuis quelques années, le Bénin est devenu un terreau fertile pour la cybercriminalité. Connus sous le nom de “Gaymen”, ces arnaqueurs en ligne pillent des comptes bancaires, montent des escroqueries sophistiquées et opèrent dans une impunité grandissante. Face à cette menace, la police s’appuie sur des informateurs infiltrés, capables d’identifier les fraudeurs et leurs méthodes. N.M. alias Baba Yéton était l’un d’eux. Entre 2018 et 2021, ses informations auraient permis l’arrestation de plusieurs cybercriminels, contribuant au démantèlement de réseaux bien organisés. Mais en 2022, le vent tourne. Des rumeurs circulent sur son rôle d’informateur. Des publications anonymes le désignent comme un “topieur”, celui qui livre ses pairs aux autorités. Rapidement, il devient la cible d’une traque numérique orchestrée : messages haineux diffusés massivement sur TikTok et Facebook, publication de ses coordonnées personnelles, vidéos appelant à sa liquidation
Accusations d’extorsion d’argent auprès des cybercriminels : La police impuissante ou complice ? Un silence radio assourdissant
Aucune mesure de protection. Mais comment expliquer cette inertie ? L’hypothèse la plus effrayante prend forme: les cybercriminels auraient bénéficié de fuites internes à la police ? Des indices troublants tendent à suggérer l’existence de taupes au sein des forces de l’ordre: Comment les cybercriminels ont-ils appris son identité aussi vite ? Pourquoi la police ne l’a-t-elle pas mis sous protection immédiatement ? Et Pourquoi les enquêtes piétinent-elles, alors que les menaces sont publiques ?

Ces interrogations prennent tout leur sens au regard des récents scandales impliquant des policiers corrompus, étroitement liés aux cybercriminels. Ces affaires ont mis en lumière une véritable mafia carcérale, où des agents des forces de l’ordre se retrouvent derrière les barreaux pour avoir pactisé avec les escrocs qu’ils étaient censés traquer. En effet, six policiers ont été sous mandat de dépôt pour avoir aidé un cybercriminel détenu à Missérété à vider les comptes Mobile Money de 60 marchands. Et pour couronner le tout, ils lui ont permis d’acheter un Range Rover flambant neuf… depuis sa cellule.
Le commerce de la liberté : la rançon des familles en détresse. Un sous-brigadier a été condamné à 18 mois de prison pour avoir extorqué 1 050 000 FCFA à une famille, en leur promettant la libération d’un détenu. Il se faisait passer pour l’ami du procureur, mais n’était en réalité qu’un arnaqueur en uniforme.
Une prison plus connectée que jamais
Deux cybercriminels, déjà condamnés à 7 ans de prison, continuaient leurs arnaques depuis leur cellule. Aidés par des gardiens de prison et un certain Wilfried, ils organisaient des escroqueries Mobile Money en toute tranquillité, mettant en scène, certains agents de la police transforment la justice en machine à cash. En effet, trois commissaires de police ont mis en place un système de racket ciblant des Nigérians. Leur méthode ? Arrêter des suspects pour cybercriminalité, leur exiger jusqu’à 2 millions FCFA pour éviter la CRIET, libérer ceux qui payaient, envoyer les autres en justice. Un véritable commerce illégal, où la justice était monnayée comme une marchandise.
Stopper la traque numérique et assainir les rangs de la police
Il faut un statut légal et sécurisé pour les informateurs en mettant en place un cadre juridique assurant l’anonymat et la sécurité des collaborateurs de la police : Protection renforcée, identité codée et sécurisée, assistance juridique et psychologique. Les campagnes de lynchage sur les réseaux sociaux doivent être sévèrement punies :
– Surveillance et suppression des contenus haineux
– Sanctions lourdes contre les instigateurs
Responsabilisation des plateformes comme TikTok et Facebook. Une enquête interne indépendante doit être menée pour identifier et sanctionner les policiers complices des cybercriminels. Tant que les ripoux gangrèneront les forces de l’ordre, aucune lutte contre la cybercriminalité ne sera crédible.
Un combat pour la survie de la justice
L’affaire N.M. alias Baba Yéton met en lumière une triste réalité : il se dégage comme un parfum d’infiltration de la police par éléments en uniforme. Si rien n’est fait, combien d’autres informateurs seront sacrifiés ? Combien de victimes paieront le prix de l’inaction et de la corruption ? Il est temps de prendre les taureaux par les cornes, situer les responsabilités et cesse de fermer les yeux.