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ONU/Avis du Conseil des droits de l’homme: «libérer immédiatement» Joël Aïvo  

Dans un avis cinglant rendu en mars 2024, le Groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a qualifié la détention de Frédéric Joël Aïvo de «privation arbitraire de liberté», exhortant le gouvernement béninois à libérer immédiatement cet intellectuel et ancien candidat à la présidence. Cet avis met en lumière les violations des droits fondamentaux dont Aïvo aurait été victime, sur fond de répression politique au Bénin. Récemment publié, ce document dresse le portrait troublant d’un État aux prises avec des critiques de plus en plus sévères quant à ses pratiques antidémocratiques. Lire le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire.

Une détention sans fondement légal

Frédéric Joël Aïvo, professeur de droit et figure de l’opposition, a été arrêté en avril 2021 sans qu’aucun mandat ne lui soit présenté ni qu’aucune base légale ne soit évoquée. Selon le Groupe de travail, cette arrestation viole les dispositions de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui stipule que nul ne peut être privé de liberté sans motifs légaux ou sans en être informé immédiatement. En outre, Aïvo aurait été détenu sans possibilité de contester légalement sa situation, privé de contrôle judiciaire pendant trois mois.

Cet acte met en lumière une pratique qui, d’après le Conseil, témoigne d’une tendance inquiétante de la part des autorités béninoises. En effet, aucune raison légitime n’a été avancée par le gouvernement pour justifier la nécessité de maintenir Aïvo en détention provisoire, violant ainsi l’article 9 du PIDCP. Pour les experts des Nations Unies, le cas de Frédéric Joël Aïvo est un exemple flagrant de détention «arbitraire» et sans fondement légal.

Frédéric Joël Aïvo, professeur de droit et figure de l’opposition, a été arrêté en avril 2021 sans qu’aucun mandat ne lui soit présenté ni qu’aucune base légale ne soit évoquée

La répression de la liberté d’expression

D’après les conclusions du Conseil, l’emprisonnement de Frédéric Joël Aïvo serait également motivé par ses critiques publiques envers le gouvernement. En 2020, Aïvo a fondé le Front pour la restauration de la démocratie et s’est porté candidat à l’élection présidentielle, dénonçant la gestion du président Talon et appelant au boycott pacifique de l’élection. Ces actions, considérées comme des droits fondamentaux d’expression et de participation politique, auraient valu à Aïvo d’être surveillé puis appréhendé.

Le Groupe de travail a conclu que les autorités béninoises ont violé les articles 19, 21, et 22 du Pacte en réprimant les libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association. Pour les experts, la détention de l’opposant est indéniablement liée à ses positions politiques, d’où sa qualification en « catégorie II » d’arbitraire. Selon les analystes, cette qualification montre la difficulté grandissante pour les voix dissidentes d’exprimer leurs opinions au Bénin.

L’iniquité du procès

Malgré l’absence d’éléments solides, Frédéric Joël Aïvo a été jugé et condamné à dix ans de prison par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, une juridiction d’exception critiquée pour son manque d’indépendance. Le Groupe de travail de l’ONU dénonce cette cour, directement liée au pouvoir exécutif, comme étant partiale et non impartiale, en violation de l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de l’article 14 du PIDCP.

Aïvo aurait été privé d’un procès équitable, et sa défense, entravée par des délais et restrictions imposées à ses avocats, n’a pu présenter ses arguments dans des conditions normales. Ce déni de justice, ajouté au fait que le procès n’a duré que quatorze heures pour une peine si sévère, fait dire aux experts que les droits de l’opposant ont été bafoués d’une manière gravissime. En somme, la détention de Aïvo sous couvert d’un procès inéquitable illustre les méthodes d’intimidation employées à l’encontre de ceux qui osent défier le régime en place.

Une détention discriminatoire et politique

Selon l’avis, Frédéric Joël Aïvo a été incarcéré pour ses opinions politiques et son engagement pour une démocratie plus forte. Pour le Groupe de travail, cette arrestation s’inscrit dans un contexte où plusieurs autres figures de l’opposition ont été visées par des actions similaires. En l’absence de justification gouvernementale, les experts concluent que la détention de l’opposant est discriminatoire et violente les articles 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que les articles 2 et 26 du PIDCP.

Cet avis du Groupe de travail replace le cas de Frédéric Joël Aïvo dans un contexte plus large de restrictions politiques au Bénin. L’arrestation de ce dernier, figure proéminente de la société civile, met en lumière une tendance inquiétante à la discrimination et à la persécution politique.

Conditions de détention et recommandations

Outre la légalité de la détention, le Groupe de travail exprime de vives préoccupations sur les conditions de détention d’Aïvo. Selon les allégations de la source, il aurait été retenu dans une cellule insalubre, aux côtés de 38 autres prisonniers, durant plus d’un mois. Il aurait contracté la COVID-19 en détention et n’aurait reçu aucun traitement médical adéquat.

L’avis demande ainsi au gouvernement béninois de respecter les droits fondamentaux de traitement humain et de dignité, inscrits dans les règles Nelson Mandela et l’article 10 du PIDCP. Le Groupe de travail recommande la libération immédiate de Aïvo et exhorte les autorités béninoises à enquêter sur les violations des droits de l’homme perpétrées à son encontre. Pour les experts, un dédommagement est également nécessaire pour compenser l’injustice subie par l’opposant.

La réaction internationale et l’avenir de la démocratie au Bénin

La prise de position du Conseil des droits de l’homme, à travers cet avis, soulève une vague d’interrogations sur l’avenir des libertés démocratiques au Bénin. La détention de Frédéric Joël Aïvo symbolise les luttes entre le pouvoir en place et les voix dissidentes cherchant à maintenir un espace pour les droits humains et les libertés publiques. Le manque de réponse du gouvernement béninois aux appels de la communauté internationale et les multiples tentatives de répression des droits de l’homme inquiètent les observateurs.

À la veille des futures échéances électorales, la question de la démocratie au Bénin reste cruciale. Le Conseil exhorte ainsi la communauté internationale à maintenir la pression pour garantir les droits des citoyens béninois à une liberté d’expression et une justice impartiale. Les conclusions du Conseil en faveur de la libération de Frédéric Joël Aïvo rappellent l’importance d’un système judiciaire indépendant et impartial dans un État de droit démocratique.

On retient donc que le cas de Frédéric Joël Aïvo, tel que détaillé par le Conseil des droits de l’homme, met en exergue les défis auxquels font face les défenseurs de la démocratie au Bénin. Son histoire illustre un combat pour le respect des droits fondamentaux dans un contexte politique tendu. En dénonçant cette détention comme étant arbitraire, discriminatoire, et inhumaine, le Conseil des droits de l’homme appelle à un retour aux principes universels des droits humains, de la justice et de la dignité.

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