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Bénin/Comparution du général Houndégnon devant la CRIET: Ce qu’il faut retenir

Le procès du général Louis-Philippe Houndégnon, ancien Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), a pris une tournure stratégique devant la CRIET ce 27 janvier 2025. Alors que sa défense espérait un jugement rapide sur les nullités soulevées, la Cour a choisi de les intégrer au fond de l’affaire. Ce choix a ouvert la voie à un interrogatoire approfondi, où le prévenu a dû répondre aux accusations majeures pesant sur lui en révélant des noms.

Le procès du général Louis-Philippe Houndégnon, ancien Directeur Général de la Police Nationale (DGPN), s’est tenu devant la CRIET le lundi 27 janvier 2025. Son équipe d’avocats espérait que la Cour statue sur les exceptions de nullité soulevées lors de la dernière audience. Cependant, la Cour a choisi de joindre les nullités au fond, reportant sa décision à une audience ultérieure. Ainsi, les débats se sont poursuivis sur le fond de l’affaire, avec un interrogatoire du prévenu sur les différentes accusations portées contre lui.

«C’est de bonne guerre», a commenté un des avocats de la défense, reconnaissant l’approche adoptée par la Cour.

Lors de l’audience du lundi 27 janvier, le Général Houndégnon a été assisté par un trio d’avocats: Me Fidel Abouta, Me Yaya Pognon et Me François Kèkè Adignon. Fidèle à une stratégie bien rodée, c’est Me Fidel Abouta, le plus jeune du groupe, qui a ouvert les hostilités en posant les premières questions, tandis que ses collègues plus expérimentés intervenaient pour préciser, compléter ou relancer les échanges face au ministère public et à la CRIET.

S’adressant à la Cour sur l’abord inattendu de la tentative de coup d’État, Me François Kèkè a déclaré : « Nous sommes en audience publique. Nous ne savions pas que cet aspect serait abordé. Mais comme vous ouvrez la fenêtre, nous nous y engouffrons. Louis-Philippe Houndégnon n’est pas poursuivi pour non-dénonciation de crime ni pour tentative de coup d’État, mais pour harcèlement via les réseaux sociaux et incitation à la rébellion. Or, dans les procès-verbaux, il y a des secrets d’État. Allons-nous en parler aussi ? » Avec l’accord de la Cour, Me Kèkè a interrogé son client.

Houndegnon: «Je ne connais rien aux réseaux sociaux, je ne sais pas manipuler un téléphone Android, ni comment cela fonctionne. Comment peut-on m’accuser de harcèlement via un outil que je ne sais même pas utiliser ?»

Sur l’accusation de harcèlement via les réseaux sociaux, le Général Houndégnon s’est défendu avec fermeté : « Je ne connais rien aux réseaux sociaux, je ne sais pas manipuler un téléphone Android, ni comment cela fonctionne. Comment peut-on m’accuser de harcèlement via un outil que je ne sais même pas utiliser ? » Et d’ajouter : « Je suis fils d’enseignant. J’ai appris avec le stylo et le papier, et je n’ai jamais abandonné ces outils. Les Androids et les ordinateurs, je ne les maîtrise pas. » Cette déclaration remet en question la pertinence de l’accusation portée contre lui.

À l’issue de l’audience, Me François Kèkè a confié à notre rédaction : «L’incitation à la rébellion est définie par le code pénal, mais ce n’est pas le cas du harcèlement. Si quelqu’un est poursuivi pour incitation à la rébellion, il doit avoir posé des actes concrets. Or, Louis-Philippe n’a rien fait de tel. Le dossier est vide.» Ces propos ont captivé l’attention des spectateurs présents, notamment des étudiants en droit et d’autres personnalités venues discrètement suivre l’audience.

Parmi ces derniers, un ancien haut fonctionnaire a exprimé son admiration pour Me François Kèkè : «Voyez-vous, cet avocat incarne l’art des grands procéduriers. C’est un véritable talent. J’aime bien cet avocat, même si nous ne nous sommes encore jamais rencontrés» Cette journée d’audience, rythmée par les interventions de la défense, a renforcé l’image d’un procès chargé de complexité et d’enjeux juridiques.

Maitre Kèkè: «L’incitation à la rébellion est définie par le code pénal, mais ce n’est pas le cas du harcèlement. Si quelqu’un est poursuivi pour incitation à la rébellion, il doit avoir posé des actes concrets. Or, Louis-Philippe n’a rien fait de tel. Le dossier est vide.»

Un procès au-delà des accusations initiales

Bien que le général Houndégnon soit poursuivi pour incitation à la rébellion et harcèlement via des moyens électroniques, les débats ont pris une tournure inattendue. La Cour a élargi les discussions, s’attardant sur des questions relatives à la liberté d’expression et à des objets militaires retrouvés lors d’une perquisition à son domicile.

Le ministère public s’est interrogé sur les limites de la liberté d’expression d’un haut responsable de la police. «Le général peut-il parler librement ? Se considère-t-il comme un citoyen ordinaire ? Pourquoi a-t-il tenu certaines déclarations dans la presse?», ont questionné les magistrats.

La perquisition et les objets militaires: des explications nécessaires

L’un des moments-clés du procès a été le retour sur une perquisition effectuée au domicile du général Houndégnon, lors de laquelle plusieurs équipements militaires ont été retrouvés. Ces objets ont suscité de nombreuses interrogations, et le général a apporté les explications suivantes :

  • Les munitions : Datant de 2005, elles étaient, selon le prévenu, des restes de tests de validation pour un pistolet italien nommé « Scorpion ». Houndégnon a reconnu qu’elles n’auraient pas dû se trouver à son domicile, attribuant leur présence à un « oubli réel ». Il a toutefois assuré à la Cour qu’il n’avait aucune intention de les utiliser.
  • Le gilet pare-balles : L’ancien DGPN a précisé qu’il s’agissait d’un équipement personnel acquis privément pour sa protection.
  • Les tenues militaires : Ces uniformes provenaient de formations militaires suivies à l’étranger, notamment aux États-Unis et au Pakistan. Selon le général, ils représentent des souvenirs de son parcours professionnel.

Ces explications visent à contextualiser la présence de ces objets tout en soulignant leur lien avec son passé professionnel. Le général a insisté sur l’absence de toute intention malveillante.

Accusations de coup d’État : une révélation inattendue

Interrogé sur une éventuelle implication dans un complot de coup d’État, Houndégnon a révélé avoir été approché par plusieurs personnalités. Il a cité trois noms devant la Cour :

  • P.V.T. : Député à l’Assemblée Nationale.
  • P.T. : Colonel à la retraite.
  • S.A. : Un administrateur de forum WhatsApp résidant dans la diaspora.

«J’ai fait ce que je devais faire», a-t-il affirmé, expliquant qu’il avait averti le directeur du cabinet militaire du Chef de l’État, aujourd’hui général de brigade Bertin Bada. « Un policier ne peut pas fomenter un coup d’État. Ce sont les militaires qui en sont les auteurs», a-t-il martelé, tout en dénonçant la tentative de l’impliquer dans un tel projet.

Un procès sur la liberté d’expression ?

Pour les avocats de la défense, les véritables enjeux du procès résident dans la question de la liberté d’expression. Ils ont argumenté que leur client est jugé non pas pour des faits réels, mais pour avoir exprimé des opinions critiques dans les médias. «On fait le procès d’un homme qui a exercé son droit de parole », ont-ils déploré.

«Le général a été magistral, professionnel et très compétent», ont conclu deux de ses avocats, louant sa prestation au cours de l’audience. Cependant, certains observateurs présents ont estimé que tout n’avait pas été dit, suggérant l’existence de « non-dits » dans ses révélations.

Une audience sous tension et un calendrier prolongé

Malgré son arrivée à la CRIET dès 9h du matin, le général n’a été entendu qu’à partir de 17h30. Les débats se sont poursuivis jusqu’à 20h, moment où la Cour a décidé de renvoyer l’affaire au 24 février 2025. En attendant, Houndégnon retourne en détention, où il est incarcéré depuis le 13 novembre 2024. Quand à son neveu, Camille Amoussou, présent dans le box des accusés, il avait juste rendu visite à son oncle ce soir-là avant d’être embarqué et détenu depuis. Camille attendra sûrement la prochaine audience pour connaitre son sort.

Des implications multiples

Le procès du général Louis-Philippe Houndégnon ne se limite pas à des questions juridiques. Il soulève des enjeux majeurs concernant la liberté d’expression, l’impartialité des institutions et les limites du pouvoir. Son dénouement sera scruté de près, tant par les citoyens béninois que par la communauté internationale.

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