À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, trois grandes ONG – Amnesty International, Reporters sans frontières (RSF) et Internet Sans Frontières – tirent la sonnette d’alarme. Dans un communiqué conjoint publié le 2 mai 2025, elles dénoncent un arsenal juridique liberticide, des suspensions arbitraires de médias critiques, et une HAAC de plus en plus décriée pour son autoritarisme. Le Code du numérique, devenu l’arme redoutée de cette répression, étouffe les voix dissidentes. À travers cette alerte, c’est toute la santé démocratique du pays qui est mise en question. Le Bénin joue sa crédibilité démocratique à l’heure des choix.
Dans la mouvance de la journée Mondiale de la liberté de la presse, trois organisations internationales majeures livrent les fruits de leur constat sur l’état des médias au Bénin. Dans un communiqué conjoint publié le 2 mai 2025, Amnesty International, Reporters sans frontières (RSF) et Internet Sans Frontières dressent un rapport accablant: une vague sans précédent de suspensions arbitraires de médias indépendants, une loi sur le numérique utilisée comme arme de répression, et un climat de peur généralisé dans le paysage médiatique béninois. Liberté de la presse au Bénin: un état d’urgence déguisé. Il est pointé du doigt, arsenal juridique pour étouffer les voix critiques.
Le cœur du problème réside dans le Code du numérique béninois, adopté en 2018, qui contient des articles flous, à commencer par l’article 550, permettant de criminaliser des faits aussi vastes que la diffusion de fausses nouvelles ou le harcèlement électronique. Les ONG dénoncent un usage extensif et punitif de ces dispositions contre les journalistes et les médias critiques. En 2025 seulement, deux journaux, trois sites d’information et un compte TikTok ont été suspendus, souvent sans appel ni justification claire. Parmi les victimes figurent Le Patriote, sanctionné après avoir publié un éditorial critique sur la stratégie sécuritaire du gouvernement, et Bénin Web TV, suspendu après des articles jugés “inexacts” sur le budget de la HAAC. Dans les deux cas, les conséquences sont dévastatrices : chômage pour les journalistes, perte de revenus pour les rédactions, et autocensure pour les confrères toujours en activité.

Une HAAC omnipotente, en proie à la contestation
La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), censée réguler équitablement les médias, se transforme peu à peu en bras armé du pouvoir exécutif. Accusée de partialité, elle prend des décisions souvent expéditives, sans recours accessible et sans publication des faits incriminés. Le communiqué dénonce l’absence de motifs légitimes, au regard du droit international, justifiant ces suspensions qui s’apparentent à de la censure déguisée.
Une illusion de réforme ?
Alors que le Parlement béninois entame des débats sur la révision du Code du numérique, les trois organisations appellent fermement à une réforme en profondeur et non à une simple opération cosmétique. L’occasion est historique, estiment-elles, pour inscrire dans la loi des garanties effectives pour la liberté de la presse et pour l’indépendance réelle de la HAAC. Qemal Affagnon, d’Internet Sans Frontières, rappelle que le Bénin s’est engagé, lors de l’Examen Périodique Universel des Nations unies en 2023, à revoir ce code. À ce jour, ces promesses restent lettres mortes. Pire, la situation s’aggrave.
Conséquences sociales et démocratiques : une silencieuse hémorragie
Au-delà des journalistes menacés ou réduits au silence, c’est tout un secteur qui vacille. Les conséquences économiques sont lourdes : licenciements massifs, retraits d’annonceurs, pertes de crédibilité. La Gazette du Golfe, par exemple, a dû fermer boutique après une suspension de la HAAC. Chaque fermeture, chaque suspension, prive le citoyen d’un canal d’information indépendant et renforce la mainmise du gouvernement sur la narration publique. Comme le souligne RSF dans ce communiqué : « Ces sanctions menacent la survie économique des médias et de leurs employés. Il s’agit d’une atteinte intolérable à la liberté de la presse. »
La bataille pour la démocratie
Ce communiqué fait office de cri d’alarme. Il appelle à une mobilisation urgente, non seulement des parlementaires béninois mais aussi de la société civile et des institutions africaines et internationales. Car derrière chaque site fermé, chaque micro coupé, c’est une partie de la démocratie qui vacille. Les organisations concluent en rappelant que la presse n’est pas l’ennemie du peuple. Elle en est le miroir, la mémoire et parfois le seul contre-pouvoir restant. Le Bénin, pionnier du pluralisme médiatique dans les années 2000, se retrouve aujourd’hui face à un dilemme historique : se réformer ou sombrer.
À retenir :
- 6 médias suspendus depuis janvier 2025
- Aucun motif internationalement reconnu n’est invoqué
- Le Code du numérique est au cœur de la polémique
- La HAAC est critiquée pour sa partialité et son autoritarisme
- Appel à une réforme législative immédiate et à l’indépendance des organes de régulation
LE COMMUNIQUE CONJOINT
