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Audit du fichier électoral : Talon pour, ses alliés contre !

À l’approche des élections générales de 2026 au Bénin, la question de l’audit du fichier électoral suscite un débat intense entre les différentes forces politiques du pays. D’un côté, le parti d’opposition « Les Démocrates » insiste sur la nécessité de cet audit pour garantir la transparence et instaurer un climat apaisé. De l’autre, les partis proches du pouvoir estiment cette démarche inutile. Paradoxalement, le président de la République, Patrice Talon, a exprimé son soutien à cette initiative, affirmant qu’elle est bénéfique pour la nation. Cette situation complexe soulève des interrogations quant aux motivations et aux stratégies des acteurs politiques impliqués.

L’audit du fichier électoral s’impose comme un échiquier politique où chaque camp avance ses pions avec prudence. Patrice Talon, en affirmant son soutien à l’initiative, veut apparaître comme le garant d’un processus électoral fiable. Pourtant, alors que l’opposition voit en cet audit une bouée de transparence, les partis de la mouvance présidentielle refusent d’embarquer, laissant planer un paradoxe troublant. Le chef de l’État, en insistant sur le financement public, semble vouloir reprendre les rênes d’une initiative d’abord revendiquée par ses adversaires, transformant ainsi une revendication politique en outil sous contrôle institutionnel.

L’audit se décline en deux visages : celui initié par l’opposition, qui a forcé la réaction de l’Exécutif, et celui légalement prévu avant 2026. Ce double jeu soulève des interrogations : volonté réelle de transparence ou dilution stratégique pour mieux absorber la contestation ? L’intervention de Jean-Baptiste Elias et la promesse d’experts étrangers donnent des gages d’indépendance, mais comment garantir la neutralité d’un chantier dont l’Exécutif détient les clés du coffre ? Entre jeu d’ouverture et manœuvre de diversion, cet audit oscille entre sincérité démocratique et calcul politique. Reste à savoir s’il révélera un miroir de vérité ou un reflet déformé des ambitions du pouvoir.

Jean-Baptiste-Elias

Genèse

Le 27 novembre 2023, lors d’une rencontre au Palais de la Marina, le parti « Les Démocrates » a officiellement sollicité un audit du fichier électoral auprès du président Patrice Talon. Cette demande, formulée dans un contexte de tensions croissantes entre le pouvoir et l’opposition, visait à garantir la transparence et la fiabilité du processus électoral en prévision des élections de 2026. Le parti de l’opposition « Les Démocrates » a exprimé ses inquiétudes quant à la crédibilité de la Liste Électorale Informatisée (LEI), affirmant que des irrégularités relevées lors des scrutins précédents pouvaient compromettre la légitimité des prochaines élections. Selon eux, seule une vérification indépendante et rigoureuse du fichier électoral permettrait de rassurer les électeurs et de prévenir d’éventuelles contestations post-électorales.

Face à cette requête, Patrice Talon a donné son accord de principe, affirmant que l’État financerait l’opération afin d’en garantir l’objectivité et l’efficacité. Il a également exprimé son attachement à la démocratie et à la nécessité d’un processus électoral exempt de toute suspicion. Cet engagement présidentiel, bien que salué par l’opposition, a suscité des interrogations quant à la sincérité des intentions du gouvernement, d’autant plus que certains partis de la mouvance ont, par la suite, refusé de participer à l’audit. Ainsi, bien que l’accord du président Talon ait semblé ouvrir une voie vers plus de transparence, le refus des partis pro-gouvernementaux d’adhérer à l’initiative a progressivement transformé cette démarche en un véritable bras de fer politique.

Mise en place du Comité de Pilotage

Suite à cet engagement, le 8 novembre 2024, le Cadre de Concertation des Partis Politiques de l’Opposition a adressé une lettre au président, incluant un projet de termes de référence pour l’audit. En réponse, le ministre de la Justice, Yvon Détchénou, a été chargé de recevoir les représentants de l’opposition pour discuter des modalités de mise en œuvre. Un Comité de Pilotage a été mis en place, présidé par Jean-Baptiste Elias, une figure emblématique de la lutte contre la corruption au Bénin. Son rôle est de superviser l’audit et d’assurer qu’il se déroule en toute transparence. Ce comité est composé de membres issus de différents secteurs, incluant des représentants de la société civile et des experts en gouvernance électorale.

Cependant, la mise en place de ce comité n’a pas été sans difficultés. Alors que l’opposition voyait en cette structure un outil de validation de la transparence électorale, les partis de la mouvance présidentielle ont adopté une posture réservée. Certains ont même refusé d’y prendre part, arguant que la législation électorale en vigueur était suffisante pour garantir un scrutin fiable. Malgré ces obstacles, le Comité de Pilotage a entamé ses travaux en fixant une feuille de route et en identifiant les points critiques du processus électoral à examiner. Il reste à voir si cette initiative portera ses fruits ou si elle se heurtera à des blocages institutionnels et politiques.

Positions divergentes des acteurs politiques

Malgré l’accord du président Talon, les principaux partis soutenant le gouvernement ont exprimé leur réticence à participer à l’audit.

  • Union Progressiste Le Renouveau (UP-R) : Le parti considère que s’associer à cette initiative reviendrait à remettre en question un dispositif électoral qu’il a toujours défendu. Il juge la demande de l’opposition « inopportune » et en déphasage avec les lois en vigueur régissant la Liste Électorale Informatisée (LEI).
  • Bloc Républicain (BR) : Selon ce parti, auditer la liste électorale de 2023 est dénué de pertinence. Il souligne que la liste à considérer devrait être celle extraite du registre national par l’Agence Nationale d’Identification des Personnes (ANIP) quatre mois avant les élections. Le BR exprime également des inquiétudes quant aux véritables intentions de l’opposition, suspectant des objectifs cachés tels que la révision du Code électoral.
  • Mouvement des Élites Engagées pour l’Émancipation du Bénin (Moele-Bénin) : Emboîtant le pas aux autres partis de la mouvance, Moele-Bénin a également décliné l’invitation à participer à l’audit, avançant des arguments similaires. Ces refus coordonnés soulèvent des interrogations sur une éventuelle stratégie commune visant à contourner un audit susceptible de révéler des anomalies préjudiciables à leurs intérêts électoraux.

Le Rôle trouble des partis de la mouvance

Si le président Talon soutient officiellement l’audit, l’attitude des partis de la mouvance présidentielle intrigue. Leur refus quasi unanime de participer à cet audit pourrait révéler une volonté de garder le contrôle sur le processus électoral. Ces partis, en dépit de leur ralliement à Talon, semblent adopter une posture de blocage, soulevant ainsi des soupçons de stratégies politiques visant à maintenir un statu quo avantageux. Leur démarche ambiguë laisse planer un doute sur la véritable portée de la transparence promise par le chef de l’État. Ils pourraient ainsi chercher à s’assurer que le système en place reste inchangé, tout en évitant que d’éventuelles failles ne soient exposées.

L’Impact sur le climat politique

Cette divergence de positions risque d’exacerber les tensions politiques à l’approche des élections. Si l’audit révèle des anomalies, l’opposition pourrait s’en servir pour contester le processus électoral, tandis que la mouvance présidentielle pourrait rejeter les conclusions, arguant d’un manque de collaboration multipartite. Loin de renforcer la confiance dans le système électoral, cet audit pourrait paradoxalement accentuer la polarisation politique, menaçant la stabilité du climat pré-électoral. L’audit du fichier électoral béninois, bien qu’approuvé par le président Patrice Talon, se heurte à des divergences profondes entre l’opposition et les partis proches du pouvoir. Cette situation reflète les enjeux politiques majeurs à la veille des élections générales de 2026.

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