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Violences sexuelles sur mineures au Bénin/16 cas de viols chaque jour: La petite Emmanuella, âgée de 11 ans, victime.

Chaque jour qui passe, le Bénin enregistre 16 cas de viols sur mineures, un fléau qui dévaste des familles entières dans le mutisme général. Le cas tragique de T. Emmanuella, 11 ans, n’est qu’un visage parmi des milliers de petites filles abusées dans l’indifférence, peut-on dire, des autorités judiciaires, administratives et communautaires. Ce drame met à nu la faillite collective d’un système censé protéger les plus vulnérables.

L’affaire T. Emmanuella : l’innommable dans l’enceinte scolaire/ Les faits se sont déroulés le samedi 3 juin 2023, à l’avant-veille de l’examen du CEP, prévu le lundi 05 juin. Le fondateur du complexe scolaire « La Grâce » à Tori-Cada, qui assurait également la fonction de directeur, a convoqué plusieurs élèves sous prétexte de leur remettre les cahiers de choix nécessaires pour l’épreuve du lendemain. Parmi les élèves convoqués se trouvait une fillette de 11 ans. Profitant de l’isolement, le directeur a abusé de la jeune fille. Après l’agression, il a tenté de la réduire au silence en la menaçant de mort si elle venait à révéler les faits. Mais la douleur physique et psychologique était insupportable. Le lendemain, après avoir composé sa première épreuve, la victime, toujours en larmes, a confié les faits à ses parents.

Les parents, bouleversés, se sont immédiatement rendus au commissariat de Tori-Cada pour déposer plainte. La police a rapidement réagi et procédé à l’arrestation du directeur. Placé en garde à vue, celui-ci a reconnu les faits mais a cherché à négocier un règlement à l’amiable en proposant de vendre une parcelle et de remettre l’argent aux parents, proposition qu’ils ont fermement refusée.

Un examen médical accablant

Suite à cet acte, et sur autorisation de Monsieur le procureur de la République, près du Tribunal de Première Instance de Ouidah et sur réquisition de l’officier de police judiciaire D. C. R. du commissariat de l’arrondissement de Tori-Cada, le Dr A. H. F. de CSC Tori-Bossito a procédé à l’examen médical de la petite Emmanuemlla. Le certificat médical circonstancié établi, confirme la tentative d’agression sexuelle avec violences psychologiques et physiques. le verdict médical est tombé, implacable: la pénétration sexuelle n’ayant pu être confirmée – sans doute freiné par la résistance de l’enfant ou un éclair tardif de lâcheté -, il n’en reste pas moins que l’examen médico-légal a dressé le constat glaçant : déchirures hyménales fraîches, saignements persistants, douleurs gynécologiques. Des traces indélébiles, preuves irréfutables d’une tentative ignoble perpétrée par celui qui prétendait enseigner la vertu.

L’enquête s’est poursuivie et, le 12 juin 2023, le mis en cause a été présenté devant le procureur de la République à Ouidah. Le procureur l’a d’abord renvoyé au commissariat, mais le 13 juin 2023, il a de nouveau été présenté devant le parquet, puis déféré et placé en détention à la prison de Ouidah. Certes, la justice est saisie, mais plus d’un an plus tard, l’affaire reste en suspens dans les couloirs du Tribunal de Première Instance de Deuxième Classe de Ouidah. Depuis cette date, du13 juin 2023, l’affaire est restée sans suite. Malgré les assurances données par le tribunal selon lesquelles les parties seraient rappelées, malgré aussi la saisine et la relance adressées à l’INF,  aucun développement n’a eu lieu jusqu’à ce jour. La famille attend toujours que justice soit rendue.

Les parents de la victime n’ont pas oublié

Les parents de la victime se rappellent chaque jour de ce samedi 3 juin 2023, dans le bureau du complexe scolaire «La Grâce» à Tori-Cada – nom prophétique, s’il en est, tant il illustre l’ironie macabre des lieux – da MATHA Thomas, fondateur de l’établissement, éducateur en titre et pasteur à ses heures, s’est adonné à une toute autre liturgie que celle qu’il prêche en chaire. Au lieu de guider les âmes, cet homme qui se prétend saint avec la morale volatile, convoque T. Emmanuella , une enfant de 11 ans, pour une séance privée de pure abomination. Drapé dans son autorité de maître et de serviteur de Dieu, il use de menaces et de violences physiques pour tenter d’assouvir ses pulsions les plus sordides. Ici, la parole divine cède la place à la brutalité la plus crue; la stature de l’homme de foi ne dissimule plus qu’un bourreau déguisé. Ça, les parents ne sont pas prêts de l’oublier et la petite Emmanuella, marquée à vie…

Une crise endémique de violences sexuelles

L’affaire T. Emmanuella s’inscrit dans une crise endémique de violences sexuelles qui gangrène la société béninoise. Selon Chimène Yédjénou, juriste à l’Institut National de la Femme (INF), les statistiques officielles sont effrayantes :

•  2021-2022 : environ 200 cas de viols de mineurs.

•  2023 : près de 1117 cas.

•  2024 : 2000 cas.

•  Premier trimestre 2025 : déjà plus de 1500 cas signalés.

En prenant en compte les 90 jours du premier trimestre, le Bénin enregistre ainsi une moyenne de plus de 16 cas de viols sur mineures chaque jour. Ce rythme effarant donne la mesure de l’ampleur de la catastrophe qui frappe silencieusement les enfants de ce pays.

Les lieux d’instruction deviennent des scènes de crime

L’affaire T. Emmanuella révèle un phénomène récurrent : les viols de mineures sont majoritairement perpétrés par des proches en position d’autorité : enseignants, pasteurs, pères, oncles, responsables communautaires. Les institutions de confiance deviennent des terrains de chasse pour des prédateurs impunis. Protégés par les tabous sociaux, la peur des représailles, et parfois,  l’indifférence des autorités, les agresseurs bénéficient d’une véritable impunité culturelle et judiciaire.

L’indolence coupable des autorités judiciaires ?

Malgré les certificats médicaux accablants et la saisine judiciaire, les dossiers comme celui de T. Emmanuella stagnent dans les tiroirs des tribunaux. Les parents doivent braver les lenteurs administratives, les frais de justice, les menaces, sans aucune assistance institutionnelle véritable. Cette inertie constitue une deuxième violence infligée aux victimes. La justice, censée protéger et réparer, devient complice passive de ces crimes par sa lenteur et son absence de volonté politique.

Un arsenal juridique rigoureux mais inopérant

Pourtant, le Bénin s’est doté depuis 2021 d’un dispositif juridique strict avec la loi 2021-11 du 20 décembre 2021 :

•    Viol simple : 5 à 10 ans de prison et amende de 500.000 à 2 millions FCFA.

•     Viol commis par un ascendant ou autorité : 10 à 20 ans de prison et amende jusqu’à 5 millions FCFA.

•     Viol aggravé (mineure, violence, handicap, grossesse) : 10 à 20 ans de prison avec amendes maximales.

Me Marlène Hounkpatin, avocate à l’INF, le rappelle : « Nous avons un arsenal juridique très dissuasif, mais la vraie question est l’effectivité de son application. » Car les condamnations effectives restent très en deçà des statistiques d’agressions enregistrées.

Des victimes abandonnées, des familles asphyxiées

Pour les familles de victimes, le parcours judiciaire est un calvaire interminable. Entre procédures administratives kafkaïennes, absences de juges spécialisés, personnel mal formé et menaces de corruption, la majorité des affaires finissent classées sans suite, négociées en coulisses ou tout simplement étouffées. La parole des enfants, pourtant consacrée en droit international et béninois, reste fragile sur le terrain. Le manque cruel de psychologues judiciaires, de dispositifs d’accompagnement, et de cellules de protection des témoins fragilise davantage les victimes et favorise les abandons de poursuite.

L’urgence d’une réforme systémique

Face à cette catastrophe silencieuse, il est temps que l’Etat béninois passe des discours aux actes :

•          Création d’unités d’enquête spécialisées sur les violences sexuelles.

•          Formation systématique de tous les acteurs judiciaires aux particularités de ces infractions.

•          Protection juridique et sociale renforcée des victimes et de leurs familles.

•          Sanctions disciplinaires exemplaires contre les magistrats ou fonctionnaires laxistes ou corrompus.

•          Extension de centres d’accueil psychologiques pour enfants abusés.

La tragédie d’un pays qui abandonne ses enfants ?

L’affaire T. Emmanuella est loin d’être un cas isolé. Elle est le miroir tragique d’un pays où chaque jour, des fillettes subissent l’innommable sans que l’Etat n’assure réellement sa mission de protection. Chaque jour de silence judiciaire est une trahison. Chaque retard de jugement est une nouvelle souffrance pour ces enfants meurtris. Le Bénin doit choisir : tolérer encore ou enfin protéger.

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