Alors que la Sierra Leone fait état d’un projet de loi antiterroriste pour le pays, le WANAMDEL tire la sonnette d’alarme. Ce réseau d’avocats et d’activistes dénonce un texte flou et potentiellement répressif, qui menace gravement la liberté d’expression et le droit à la dissidence pacifique.
Accra, 15 mai 2025 – Dans une déclaration ferme et sans ambiguïté, le WANAMDEL – West Africa Network of Activists and Media Defence Lawyers – (Réseau ouest-africain des activistes et avocats pour la défense des médias) s’élève contre le projet de loi sur le terrorisme en Sierra Leone. Le ton est solennel et alerte. Car derrière la volonté affichée du gouvernement de Freetown de renforcer la sécurité nationale, le réseau voit poindre une dérive liberticide.
Le cœur de la critique porte sur le flou juridique du texte. Des expressions comme « intimidation du public » ou « menace à la sécurité publique » sont jugées si vagues qu’elles pourraient englober des actes parfaitement légaux comme une enquête journalistique, une manifestation pacifique ou un discours critique. Ce flou laisse place à toutes les interprétations – et donc à tous les abus.
Le WANAMDEL rappelle que la liberté d’expression, la participation civique et le droit de contester l’autorité sont au fondement de toute démocratie digne de ce nom. Ces droits sont protégés par la Constitution sierra-léonaise de 1991, mais aussi par des instruments internationaux, de la Charte africaine à la Déclaration sur la liberté d’expression en Afrique. En écho à ces textes, le réseau exhorte le gouvernement à revoir sa copie. Au-delà des mots, ce sont les moyens concrets de la répression qui inquiètent : absence de contrôle judiciaire, responsabilité pénale même sans intention, peines lourdes allant jusqu’à la prison à vie. Autant d’éléments qui rappellent davantage un outil politique qu’un bouclier sécuritaire.
Dans une région où les institutions démocratiques sont encore fragiles, une telle loi pourrait devenir une arme contre la société civile. WANAMDEL n’est pas contre la lutte contre le terrorisme. Mais cette lutte, insiste-t-il, doit se faire dans le respect de l’État de droit, avec des garanties solides pour ceux qui veillent à la démocratie.
Cette déclaration du WANAMDEL n’est pas seulement une mise en garde : c’est un plaidoyer pour une Afrique de l’Ouest où sécurité et libertés fondamentales ne sont pas des ennemies, mais des alliées.

Déclaration du WANAMDEL sur le projet de loi de la Sierra Leone contre le terrorisme, 2024
Publié le 15 mai 2025 – Accra (Ghana)
Le Réseau d’activistes et d’avocats de la défense des médias pour l’Afrique de l’Ouest (WANAMDEL) exprime sa profonde préoccupation face au récent projet de loi sur la lutte contre le terrorisme en Sierra Leone, 2024. Tout en reconnaissant la responsabilité légitime de l’État de protéger ses citoyens et de préserver la sécurité nationale, nous sommes profondément troublés par le large langage, les définitions vagues et le potentiel de violation des droits fondamentaux, en particulier ceux des journalistes, des acteurs de la société civile et des citoyens pacifiques qui se livrent à des protestations légales ou au discours public.
Le droit international oblige les États à respecter, protéger et réaliser le droit des individus de participer à la vie publique, d’exprimer leurs opinions, de se réunir pacifiquement et de se livrer à des activités civiques. Ces droits sont clairement protégés par les articles 19, 21 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Toutefois, la définition du terrorisme donnée par le projet de loi introduit des termes ambigus tels que « l’intimidation du public » et « miner la sécurité publique » sans distinguer suffisamment ce comportement de l’expression civique légitime. Ce manque de clarté crée de graves risques d’utilisation abusive, potentiellement criminalisant des activités telles que le journalisme d’investigation, les manifestations pacifiques, la dénonciation d’abus et des commentaires critiques sur la gouvernance.
Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que les articles 12, 15 et 21 du projet de loi ne prévoient pas de garanties adéquates pour les professionnels des médias, les défenseurs des droits de l’homme ou les universitaires qui jouent un rôle vital dans le respect de la transparence, de la responsabilité et de la gouvernance démocratique. Cela va à la fois à l’article 25 1) de la Constitution de la Sierra Leone de 1991, qui garantit la liberté d’expression, et aux principales obligations internationales, notamment :
- Articles 19 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP)
- La Déclaration de principes sur la liberté d’expression et d’accès à l’information en Afrique (2019)
Tout aussi alarmant est l’absence de contrôle judiciaire par le projet de loi, l’application de la responsabilité objective aux infractions exigeant intention, et l’imposition de peines disproportionnées, y compris l’emprisonnement à vie. Ces caractéristiques soulèvent d’importantes préoccupations constitutionnelles et en matière de droits de l’homme.
Dans un pays comme la Sierra Leone, où les institutions démocratiques restent dans un état de consolidation délicat, une telle législation, si elle n’est pas maîtrisée, pourrait être utilisée pour réprimer l’activité civique légitime sous couvert de sécurité nationale. Nous soulignons que le droit des citoyens de s’organiser, de remettre en question l’autorité et de participer à l’édification de la nation fait partie intégrante de toute démocratie. Les lois ne doivent pas viser à étouffer cette participation, mais à renforcer la responsabilité civique et à renforcer la cohésion sociale.
WANAMDEL demande donc au Gouvernement sierra-léonais :
- Revise le projet de loi visant à adopter une définition étroitement adaptée et fondée sur la violence du terrorisme qui exclut les actions civiques non violentes;
- Introduire des protections explicites pour les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les manifestants pacifiques et les citoyens engagés;
- Assurer le contrôle judiciaire et les garanties d’une procédure régulière dans toutes les procédures antiterroristes;
- Harmoniser le projet de loi avec les normes internationales et régionales relatives aux droits de l’homme afin de prévenir les abus;
- Modifier toute disposition incompatible avec la Constitution de la Sierra Leone de 1991, qui demeure la loi suprême du pays.
- WANAMDEL reste engagé dans la promotion de la paix, de la justice et de la gouvernance démocratique en Afrique de l’Ouest. Nous affirmons fermement que la sécurité nationale doit être poursuivie dans un cadre qui respecte les droits de l’homme et l’ordre constitutionnel.
Le Réseau West Africa des Activistes et des Avocats de la Défense des Médias (WANAMDEL) est un réseau de 14 avocats spécialisés dans la défense des droits de l’homme créé par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) pour fournir une assistance juridique rapide et efficace aux militants, aux journalistes et aux organisations d’information.
Signé :
- Augusto M. M. M. MONVA, M. MONVA, M. Bissau
- Dogbemin Kone – Côte d’Ivoire
- Gloria Mabeiam Ballason – Nigeria
- Houssou Brice – Bénin
- Martin Kpebu – Ghana
- Mojirayo Oluwatoyin Ogunlana – Nigeria
- Moussa Sarr – Sénégal
- Neneh M.C Cham – Gambie
- Paul Kamara – Sierra Leone
- Salifou Béavogui – Guinée
- Samson Lardy-Anyenini – Ghana
- Sarnyenneh M. Dickson – Liberia
- Thérèse DONU – Togo
- Tanko-Musah – Ghana