Niger/Moussa Tiangari arrêté
Depuis plusieurs années, l’Afrique subsaharienne est prise dans un engrenage complexe où le terrorisme et les coups d’État militaires fragilisent les institutions et les droits fondamentaux. L’arrestation récente de Moussa Tiangari, un fervent défenseur des droits humains au Niger, est symptomatique d’une situation bien alarmante. Ceci illustre de manière criante, l’érosion des garanties juridiques et le recul des libertés dans une région en proie à l’instabilité où la tendance est à la criminalisation des acteurs de la société civile, les journalistes et défenseurs des droits humains, sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Terrorisme et coups d’État : une spirale déstabilisatrice
L’avènement du terrorisme en Afrique subsaharienne a ouvert la voie à une série de phénomènes qui dépassent largement le cadre sécuritaire. En sus des actes de violence perpétrés par des groupes armés, cette menace insidieuse s’accompagne de violations systématiques des droits humains, de stigmatisations ethniques et d’un climat d’instabilité politique. Les coups d’État militaires, récurrents depuis 2021, en témoignent de façon alarmante.
Des pays tels que le Soudan, le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et plus récemment le Niger ont vu leurs constitutions suspendues et leurs populations soumises à des gouvernances autoritaires. Ces régimes militaires, souvent nés sous la bannière de la « restauration de l’ordre », instaurent des systèmes répressifs qui marginalisent les voix dissidentes : défenseurs des droits humains, journalistes et opposants politiques.
Des régimes sous tension et une gouvernance martiale
Les juntes militaires s’illustrent par leur incapacité à établir une gouvernance inclusive et stable. La répression devient un outil central de gestion, éclipsant les principes fondamentaux des droits humains. Les organes de justice sont détournés pour servir des intérêts politiques, avec l’établissement de tribunaux spéciaux et de cours répressives chargées de museler toute opposition.
La peur d’un pouvoir instable pousse souvent ces régimes à des excès. L’arrestation récente de Moussa Tiangari, Secrétaire Général de l’association Alternative Espaces Citoyens (AEC), en est un exemple marquant. Ce défenseur des droits humains a été enlevé à son domicile sous les yeux de sa famille, illustrant les méthodes brutales utilisées pour écraser les contestations.
Le cas Moussa Tiangari : un signal inquiétant
L’arrestation de Moussa Tiangari, figure emblématique de la lutte pour les droits humains au Niger, illustre une tendance inquiétante: la criminalisation des acteurs de la société civile sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Dans un communiqué publié le 5 décembre 2024, l’AEC a révélé les circonstances alarmantes de l’arrestation de son Secrétaire Général. Moussa Tiangari a été enlevé par des hommes armés en tenue civile, emporté vers une destination inconnue et détenu dans des conditions inhumaines. Son ordinateur, sa valise et son téléphone portable ont également été saisis, ajoutant une dimension de surveillance numérique à son arrestation.
Deux jours plus tard, Moussa Tiangari a été localisé au Service Central de Lutte Contre le Terrorisme et la Criminalité Transfrontalière Organisée (SCLCT/CTO) à Niamey. Les charges retenues contre lui, parmi lesquelles « apologie du terrorisme » et « atteinte à la sûreté de l’État », relèvent d’accusations couramment utilisées pour justifier l’arrestation des militants en Afrique.
La lutte contre le terrorisme, bien que cruciale pour la stabilité de la région, est devenue un alibi commode pour les régimes en quête de contrôle. Au nom de la sécurité, des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des procès inéquitables sont devenus monnaie courante.
Les militants des droits humains, comme Moussa Tiangari, subissent une répression accrue. Pourtant, ces figures de la société civile jouent un rôle essentiel dans la dénonciation des abus, l’éducation des populations et la construction de sociétés plus résilientes face à la violence.
Les organisations comme Alternative Espaces Citoyens rappellent l’importance de respecter les engagements internationaux, notamment les conventions sur les droits civils et politiques, que des pays comme le Niger ont ratifiées.
L’échec des transitions militaires
Depuis 2021, l’Afrique subsaharienne est confrontée à une série de transitions militaires qui, loin de résoudre les problèmes structurels, semblent les aggraver. Au Niger, comme dans les autres pays concernés, les autorités de transition peinent à rétablir la confiance de la population. Les questions liées aux droits humains, à la justice sociale et à la lutte contre la corruption sont reléguées au second plan.
Les régimes militaires manquent souvent de vision à long terme. Leur obsession pour la sécurité et la répression laisse peu de place à des réformes inclusives ou à un dialogue national. Le recours aux accusations de terrorisme pour étouffer les voix dissidentes mine davantage leur crédibilité.
Une communauté internationale silencieuse ?
Face à l’escalade des violations des droits humains en Afrique subsaharienne, la réaction de la communauté internationale reste timide, soulevant des interrogations sur ses priorités.
Les coups d’État en Afrique subsaharienne et les atteintes aux droits humains qui les accompagnent ont provoqué des condamnations, mais peu d’actions concrètes de la part de la communauté internationale. Les sanctions économiques ou diplomatiques imposées à certains pays n’ont pas réussi à modifier les comportements des régimes militaires.
L’arrestation de Moussa Tiangari illustre ce manque d’attention internationale. Les ONG locales jouent un rôle crucial en dénonçant ces abus, mais elles manquent souvent de soutien face à des régimes déterminés à étouffer les critiques.
Vers une réponse africaine aux défis des droits humains
L’avenir des droits humains en Afrique subsaharienne dépendra en grande partie de la capacité des acteurs africains à proposer des solutions adaptées et à résister à la militarisation de leurs sociétés.
La solution aux crises politiques et sécuritaires en Afrique subsaharienne ne peut être imposée de l’extérieur. Elle doit émaner des acteurs locaux et régionaux, qui comprennent les dynamiques propres à chaque pays. L’Union africaine, en particulier, a un rôle clé à jouer pour promouvoir le respect des droits humains, le retour à l’ordre constitutionnel et la résolution des conflits par le dialogue.
Les citoyens africains, par le biais de la société civile et des médias indépendants, doivent continuer à exiger la transparence, la responsabilité et le respect des droits fondamentaux. Le combat de figures comme Moussa Tiangari montre qu’un changement est possible, mais nécessite un soutien continu.
L’Afrique subsaharienne traverse une période critique où le terrorisme et l’autoritarisme se renforcent mutuellement, sapant les fondements démocratiques et les droits humains. L’arrestation de Moussa Tiangari symbolise les défis auxquels sont confrontés les militants dans la région. Pourtant, son combat incarne également l’espoir d’un avenir où les droits humains ne seront plus sacrifiés sur l’autel de la sécurité. La voie vers cet avenir nécessite des réformes profondes, un engagement accru de la communauté internationale et surtout, la détermination inébranlable des acteurs africains eux-mêmes.
LE COMMUNIQUE
Communiqué de Presse d’Alternative Espaces Citoyens sur l’arrestation de Moussa Tiangari
5 décembre 2024
Mardi 03 décembre 2024, aux environs de 20H, (heure de Niamey), des hommes armés, en tenue civile, ont fait irruption au domicile de Moussa Tiangari, Secrétaire Général de l’association Alternative Espaces Citoyens (AEC) pour l’embarquer sous le regard impuissant de son épouse et de ses enfants vers une destination inconnue. Lors de cette opération, ses ravisseurs se sont emparés de son ordinateur, sa valise et son téléphone cellulaire.
Après des multiples tractations, nous avons appris ce jeudi 05 décembre 2024, aux environs de 16h00, que le Secrétaire Général de notre association est en garde-à-vue au Service Central de Lutte Contre le Terrorisme et la Criminalité Transfrontalière Organisée (SCLCT/CTO) de Niamey.
C’est le lieu de préciser que, depuis son enlèvement, Moussa Tiangari a été cagoulé, conduit et détenu dans un endroit inconnu avant d’être transféré au SCLCT/CTO, le jeudi 05 décembre 2024, aux environs de 13H00.
Son avocat a pu le rencontrer et rapporter les charges à lui reprochées qui sont entre autres : « apologie du terrorisme, atteinte à la sureté de l’Etat et association de malfaiteurs en lien avec le terrorisme ».
L’association Alternative Espaces Citoyens condamne avec fermeté ces actes rétrogrades d’enlèvement, de séquestration et de traitement cruels, inhumains et dégradants, contraires aux exigences élémentaires des droits humains tels que garanties par les instruments juridiques internationaux ratifiés par le Niger et l’ordonnance 2023-02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics en période de transition.
L’association Alternative Espaces Citoyens tout en condamnant avec force ces actes arbitraires, exige sans condition, la libération de son secrétaire général.
Fait à Niamey, le 05 décembre 2024
Le Directeur des Programmes