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Politique/Sortir des notions d’opposition et de mouvance, selon Richard Ouorou

Redéfinir le paysage politique africain, c’est ce que propose le politologue Boni Richard Ouorou. En prônant l’élimination des termes «opposition» et «mouvance» du vocabulaire politique, il appelle à une véritable clarification qui favoriserait le développement de nos sociétés.

Boni Richard Ouorou appelle à une clarification politique

NDLR/Dans une analyse publiée sur sa page Facebook, le politologue Boni Richard Ouorou remet en question deux concepts phares qui dominent le paysage politique africain : «opposition» et «mouvance». Selon lui, ces termes obscurcissent l’espace politique  et entravent le développement de nos sociétés. Loin de se contenter de dénoncer, Ouorou propose une solution audacieuse : éliminer ces termes pour recentrer le débat sur les programmes et les valeurs des partis politiques individuels.

Pour Ouorou, étiqueter des entités politiques en tant qu’ «opposition» ou «mouvance» a souvent permis à des acteurs sans vision ou programme clair de s’immiscer dans le débat public. Les notions de mouvance et d’opposition se révèlent être des bannières sous lesquelles se regroupent des partis qui, à défaut de proposer des idées constructives, choisissent simplement de soutenir ou de critiquer le pouvoir en place. Cette dynamique, devenue la norme, crée selon lui une instabilité économique et sociale nuisible à l’épanouissement de nos sociétés.

Opposition et mouvance: des étiquettes qui trompent l’espace politique

L’opposition et la mouvance, telles que nous les connaissons dans le cadre politique africain, sont souvent étrangement semblables à des «caisses de résonance» plutôt qu’à de véritables forces de proposition. L’opposition se limite bien souvent à critiquer le pouvoir en place sans jamais développer d’alternative claire, tandis que la mouvance présidentielle soutient le pouvoir sans questionner, se contentant de valider les actions gouvernementales. Cette polarisation simpliste entre les «pour» et les «contre» conduit à un appauvrissement du débat politique.

Le politologue estime qu’en supprimant ces étiquettes, la véritable nature de nos partis politiques serait exposée. Nombre d’entre eux disparaîtraient faute de programme ou d’idéologie fondatrice. Selon Ouorou, ces étiquettes ne font que favoriser une culture politique d’opportunisme, où des alliances sans vision commune sont créées dans le seul but d’accéder au pouvoir, quitte à ce que ces alliances éphémères explosent dès l’arrivée aux responsabilités.

Cette logique produit une instabilité politique où, une fois au contact du pouvoir, les différences non résolues refont surface et créent des tensions ethniques ou régionales. La conséquence en est un déséquilibre constant du corps social et un frein au développement économique. À l’inverse, en dépassant la simple division opposition/mouvance, chaque parti serait encouragé à se définir par des programmes concrets et des valeurs.

De la confrontation de personnalités à la confrontation des idées

L’un des problèmes majeurs des notions d’opposition et de mouvance est qu’elles détournent le débat politique vers une confrontation de personnalités plutôt que d’idées. Ouorou estime que, dans la majorité des pays africains, les partis politiques se forment autour de leaders charismatiques sans présenter de programme tangible. Il devient ainsi facile pour un parti de s’affirmer en tant qu’«opposition», en se limitant à s’opposer à la personne du président, et non à son programme.

De même, les soi-disant partis de la «mouvance» présidentielle ne s’engagent pas toujours à soutenir un projet de société bien défini, mais simplement à manifester une loyauté sans faille au chef de l’État. Ouorou critique cette absence de profondeur qui nuit à l’émergence de débats idéologiques, essentiels au bon fonctionnement de toute démocratie.

Pour lui, il est crucial que les partis politiques soient identifiés à travers leurs programmes et leurs propositions concrètes. Au lieu de se présenter comme des entités de soutien ou d’opposition sans contenu, ils doivent soumettre au jugement des citoyens des alternatives de gouvernance solides, présenter des politiques publiques structurées et défendre des idéaux susceptibles de promouvoir un développement réel et inclusif.

Repenser les alliances politiques

Les alliances politiques constituent une autre critique majeure du politologue. Souvent éphémères, ces alliances s’effondrent une fois les objectifs électoraux atteints. Ouorou souligne que ce manque de cohérence est la conséquence de regroupements sans valeurs partagées, formés dans le seul but de faire tomber un adversaire commun. Ces alliances, par leur nature opportuniste, sont sources de conflits internes dès l’accès au pouvoir, les divergences apparaissant rapidement sur la manière de gouverner et de développer la société.

Pour sortir de cet écueil, il est essentiel que les alliances politiques reposent sur une base programmatique solide. Les partis doivent présenter des objectifs clairs et des visions communes qui dépassent la simple conquête du pouvoir. Cette perspective amènerait à la formation de coalitions capables de proposer des solutions durables et d’assurer une gouvernance stable, fondée sur des principes établis et partagés.

Un vocabulaire à revoir pour une politique plus saine

Pour Ouorou, réformer notre vocabulaire politique est un préalable nécessaire à l’évolution de nos systèmes politiques. En supprimant les termes « opposition » et « mouvance », le paysage politique gagnerait en clarté. Cela désarmerait également la tendance actuelle qui permet à des partis sans projet clair de se draper derrière une étiquette et d’influencer le débat public sans jamais proposer de véritables solutions.

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Le texte de Boni Richard Ouorou

Vers une clarification de l’espace politique: au-delà des notions d’opposition et de mouvance

Je soutiens que l’élimination des termes «opposition» et «mouvance» de notre vocabulaire politique pourrait grandement clarifier l’espace politique. En se concentrant sur les partis politiques pris individuellement, nous serions en mesure d’identifier chaque courant selon son programme et ses valeurs fondamentales.

Dans nos pays, les termes «opposition» et «mouvance» sont souvent galvaudés, obscurcissant ainsi le paysage politique. Ils permettent à des entités dépourvues de vision ou de programme de s’immiscer dans le débat public, se regroupant sous ces étiquettes pour critiquer sans proposer ou pour soutenir le chef de l’État sans réelle intention d’élaborer une alternative constructive. Cette dynamique, devenue la norme, engendre une instabilité qui entrave le développement de nos sociétés.

Lorsque des partis politiques s’allient sans partager de valeurs communes, simplement pour évincer un rival et prendre le pouvoir, sans intention de promouvoir un véritable développement, ces alliances se révèlent souvent éphémères. En effet, une fois au contact du pouvoir, les divergences émergent, créant des tensions ethniques et des oppositions au sein du corps social. Ce phénomène déstabilise nos États et nuit à nos processus de développement. Il est essentiel qu’un parti politique se définisse par un programme clair, qui serve de base à son opposition à d’autres programmes, et non à des personnes.

Dans notre contexte, que ce soit ceux qualifiés abusivement de «mouvance» — terme qui désigne des mouvements sociaux ou politiques souvent en réponse à des enjeux sociétaux spécifiques — ou ceux désignés comme «opposition», aucun ne présente de programme clair à la population. Cela soulève une question cruciale: sur quelle base les soutiens politiques du président se fondent-ils, sachant qu’aucun président n’est issu d’un parti politique structuré ?

En retirant les termes «opposition» et «mouvance» de notre lexique, nous découvririons que de nombreux partis n’existeraient plus. En effet, il est trop facile de se draper derrière l’étiquette «opposition» pour éviter de proposer des solutions, tout comme il est simple de se ranger sous la bannière de la «mouvance» pour approuver sans questionner.

Il est temps de considérer que nous ne faisons pas face à une véritable opposition ou à une mouvance, mais à des partis politiques et à des groupes de pression. En adoptant cette perspective, nous gagnerons en clarté et en compréhension de notre espace politique.

Prenez soin de vous,

Excellent weekend.

Boni Richard Ouorou

Politologue

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