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Ministre béninois des finances, numéro un en Afrique: Une nomination qui suscite perplexité et débats

Alors que les performances des banques béninoises restent absentes des classements africains et que l’économie du pays connaît des défis structurels, la nomination du ministre Romuald Wadagni comme meilleur ministre des Finances d’Afrique par Financial Afrik soulève des interrogations. Entre scepticisme, critiques méthodologiques et silence médiatique, retour sur une distinction qui divise.

NDLR/Le magazine Financial Afrik a récemment couronné le ministre béninois des Finances, Romuald Wadagni, comme le meilleur de tout le continent africain. Cette annonce, bien que flatteuse pour l’image du pays, a provoqué des réactions partagées, tant sur les réseaux sociaux que dans les cercles économiques. Certains y voient une reconnaissance méritée, tandis que d’autres dénoncent des critères « subjectifs », voire déconnectés des réalités économiques du Bénin. Une distinction qui soulève bien des questions.

Les performances contrastées de l’économie béninoise

Le Bénin est souvent salué pour sa stabilité macroéconomique relative et son ambition de moderniser ses infrastructures. Cependant, les indicateurs sociaux et économiques soulèvent des préoccupations majeures. Selon l’Institut national des statistiques, le pays est marqué par un taux de sous-emploi alarmant de 40 %, une contraction de la consommation et une inflation qui dépasse les 8 %. De plus, le PIB par habitant montre une tendance à la baisse, aggravant les inégalités sociales.

Ces chiffres contrastent avec la performance économique de pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Maroc ou l’Égypte, qui dominent les classements des meilleures banques africaines. Entre 2022 et 2024, ces cinq économies ont placé 25 banques parmi les 30 premières du continent, contre aucune pour le Bénin. Ce décalage soulève une question légitime : qu’est-ce qui rend l’économie béninoise suffisamment performante pour que son ministre obtienne cette distinction continentale ?

Une méthodologie critiquée: cinq critères, mais quelle objectivité ?

Selon Financial Afrik, le classement repose sur cinq critères principaux : la notation financière, l’endettement, l’inflation, la croissance et le leadership. Bien que ces critères semblent pertinents, leur application suscite des doutes.

  • Notation financière : Le Bénin, bénéficiant de réformes macroéconomiques, obtient des évaluations favorables des agences internationales. Cependant, ces notes ne reflètent pas toujours la réalité socio-économique vécue par les citoyens.
  • Gestion de la dette : Avec un rapport dette/PIB considéré comme maîtrisé, le Bénin est salué pour sa discipline budgétaire. Mais cette maîtrise est souvent perçue comme obtenue au détriment des dépenses sociales nécessaires.
  • Inflation : Bien qu’elle soit surveillée, son dépassement du seuil de 8 % reste un problème majeur pour les ménages.
  • Croissance : La croissance béninoise, bien qu’en amélioration, repose encore largement sur des secteurs vulnérables comme le coton et ne se traduit pas toujours par un développement inclusif.
  • Leadership : Le critère le plus subjectif, jugé sur la capacité à mobiliser des financements et inspirer confiance, est également celui qui divise le plus.

Ces facteurs expliquent en partie les interrogations formulées par des analystes comme Boni Richard Ouorou, qui évoque un classement biaisé par des critères abstraits et non représentatifs.

Le contraste avec d’autres économies africaines

Des pays comme le Maroc, le Nigeria, ou encore l’Afrique du Sud, dominent les classements financiers grâce à des économies diversifiées et des systèmes bancaires robustes. Leur présence massive dans les classements des meilleures banques africaines en témoigne. En revanche, l’absence totale de banques béninoises dans ces palmarès entre 2022 et 2024 reflète la fragilité du secteur financier du pays.

Malgré cela, Romuald Wadagni parvient à surpasser les ministres de ces économies lors du classement de Financial Afrik. Cette incohérence apparente soulève des doutes sur les critères de pondération. Pourquoi un pays sans institutions financières majeures parvient-il à décrocher une telle distinction pour son ministre des Finances ? Les critiques soulignent un décalage entre les indicateurs de gouvernance financière et la réalité de terrain.

Silence médiatique et responsabilité journalistique

Une autre source d’étonnement réside dans le silence médiatique entourant cette distinction. Alors que cette annonce aurait pu être l’occasion de poser des questions clés au ministre, aucune interview ni débat approfondi n’a émergé. Selon Boni Richard Ouorou, ce silence pourrait refléter une perte d’esprit critique de la presse béninoise, autrefois plus combative sous le mandat de Boni Yayi.

Ce manque de recul alimente les soupçons autour de la légitimité de la nomination. La presse, garante de l’information citoyenne, aurait pu interroger le ministre sur la durabilité des réformes économiques, la soutenabilité de la dette publique ou encore les disparités sociales persistantes.

Perspectives : un ministre à surveiller de près

Malgré les critiques, il est indéniable que Romuald Wadagni a su projeter une image de gestionnaire rigoureux et visionnaire. Sous sa tutelle, le Bénin a renforcé ses relations avec les institutions financières internationales, attiré des investissements étrangers et entrepris des réformes budgétaires audacieuses. Cependant, ces efforts doivent encore se traduire par une amélioration tangible des conditions de vie des Béninois.

Les ambitions du ministre pour une relance économique durable seront scrutées de près, tout comme les résultats des réformes engagées. La reconnaissance obtenue peut être un levier pour attirer davantage de capitaux, mais elle devra s’accompagner de mesures concrètes pour réduire les inégalités et soutenir les secteurs clés de l’économie.

Entre fierté nationale et scepticisme

La nomination de Romuald Wadagni comme meilleur ministre des Finances d’Afrique met en lumière les paradoxes de l’économie béninoise. Si cette distinction souligne des avancées en matière de gestion macroéconomique, elle révèle aussi les limites d’un système qui peine à intégrer les réalités sociales et les défis structurels. À l’avenir, seule une gouvernance inclusive et une communication transparente permettront de transformer cette reconnaissance internationale en progrès durable pour le Bénin.


« En tout cas, je souhaite bonne chance à Monsieur le ministre, et je l’attends avec impatience pour une nouvelle nomination l’année prochaine ».

LE TEXTE DE Boni Richard Ouorou

Les Ami.e.s

Je suis perplexe face à l’affirmation d’une presse étrangère, spécifiquement sénégalaise, qui déclare, sur la base de critères majoritairement subjectifs, que notre ministre des Finances est le meilleur d’Afrique. Cette assertion semble particulièrement déconnectée de la réalité économique de notre pays, caractérisée par une contraction de la consommation, une détérioration des performances des entreprises, un exode économique significatif, et un taux de sous-emploi qui atteint des niveaux alarmants, estimé à environ 40 % selon les dernières statistiques de l’Institut national des statistiques.

Il est d’autant plus étonnant que d’autres économies africaines se moquent de cette évaluation. Cette situation soulève des interrogations quant à la validité de ces éloges, surtout lorsque les indicateurs macroéconomiques montrent une baisse du PIB par habitant et une inflation galopante qui dépasse les 8 %.

Le plus préoccupant pour les citoyens est que, malgré ces anomalies, aucun journaliste, quelle que soit l’orientation de sa presse, n’a osé interroger notre ministre sur cette distinction.

Ce silence est d’autant plus frappant que le ministre lui-même semble peu enclin à s’en prévaloir, préférant se concentrer sur des initiatives de relance économique ambitieuses, qui, pour l’instant, restent absentes de son agenda.

Les journalistes, qui étaient autrefois des acteurs critiques sous le mandat de Boni Yayi, ont-ils véritablement perdu leur compétence, ou considèrent-ils cette nomination, visiblement peu fondée, comme une rumeur méritant peu d’attention ?

En tout cas, je souhaite bonne chance à Monsieur le ministre, et je l’attends avec impatience pour une nouvelle nomination l’année prochaine. 🤣

Prenez soin de vous, Boni Richard Ouorou

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