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Bénin/Procès Olivier Boko et Oswald Homeky : La justice sous les projecteurs

Accusés de «complot contre la sûreté de l’État », Olivier Boko, Oswald Homeky et consorts voient leur procès à la CRIET marqué par des tensions judiciaires, des débats juridiques complexes et une médiatisation intense. Retour sur une affaire qui met en lumière les fragilités du système judiciaire béninois.

Dès l’ouverture de l’audience du mardi 21 janvier 2025, les avocats de la défense, représentant Olivier Boko et Oswald Homeky, ont soulevé une exception concernant la composition de la cour. Selon eux, celle-ci était irrégulière. L’article 254 du Code de procédure pénale prévoit que la chambre criminelle doit compter cinq membres, un président et quatre assesseurs. Or, à la CRIET, le nombre de juges avait été réduit à trois par une loi spéciale de 2020. Ce point de droit a été immédiatement contesté par la défense, qui considère que cette audience n’était pas une « audience ordinaire » et que les règles générales du Code de procédure pénale s’appliquaient. Face à ce qu’ils qualifient de vices de procédure, les avocats ont annoncé leur déconstitution, suspendant ainsi les débats.

Une audience ajournée et des accusés sans défense

Le mercredi 22 janvier 2025, l’audience a repris. La cour a demandé aux accusés s’ils avaient pu désigner de nouveaux avocats. Olivier Boko, prenant la parole, a déclaré : « Nous sommes enfermés 24 heures sur 24. Nous n’avons pas eu la possibilité de faire les diligences nécessaires à cette fin. » Ces propos ont entraîné l’intervention du procureur spécial, Mario Mintonou, qui a rappelé l’obligation du président de la cour de solliciter le bâtonnier pour la commission d’office d’avocats. En conséquence, l’audience a été renvoyée au jeudi 23 janvier 2025. Cependant, un débat juridique a émergé autour de l’interprétation tronquée d’un article de loi par le procureur. Celui-ci avait omis les termes « En audience ordinaire », ce qui, selon la défense, change radicalement l’application des dispositions.

Les accusations portées contre Olivier Boko et ses coaccusés

Les charges retenues contre Olivier Boko, Oswald Homeky et quatre autres personnes incluent :

  • Complot contre la sûreté de l’État,
  • Corruption d’agent public national,
  • Faux et usage de faux.

Ces accusations lourdes s’inscrivent dans un contexte politique tendu, d’autant plus que Boko, autrefois proche du président Patrice Talon, semble être devenu une figure d’opposition influente. La CRIET, souvent critiquée pour son impartialité, est au centre de cette affaire hautement médiatisée.

La réaction du procureur: accusations de manœuvres dilatoires

Dans un communiqué publié par le procureur spécial, ce dernier a accusé la défense de multiplier les incidents pour éviter un débat public sur le fond. Selon lui, ces stratégies viseraient à discréditer la justice et à ralentir le procès. Le procureur a également rappelé que la Cour constitutionnelle et la Cour suprême avaient validé les procédures précédentes. Cependant, ce discours n’a pas convaincu les avocats, qui pointent du doigt des traitements inéquitables, des conditions de détention dégradantes et des violations des droits de la défense.

La défense dénonce des irrégularités graves

Dans leur propre communiqué, les avocats de la défense ont réaffirmé leur opposition à une procédure qu’ils considèrent comme biaisée. Ils soulignent :

  • Une composition de la cour non conforme aux dispositions légales,
  • Des restrictions illégales aux droits des avocats, notamment l’imposition d’un permis de communication malgré une décision contraire de la Cour constitutionnelle,
  • Des conditions de détention inhumaines, qualifiées de torture par les accusés.

Les avocats ont également critiqué l’émergence de nouvelles charges à l’encontre de leurs clients, notamment une infraction de « participation à une entreprise terroriste », absente des chefs de poursuite initiaux.

Un procès qui interroge l’état de droit

Cette affaire suscite un débat plus large sur la justice au Bénin. La CRIET, créée pour lutter contre la corruption et le terrorisme, est régulièrement accusée de servir d’instrument politique. L’impartialité de ses juges et le respect des droits des accusés sont au cœur des critiques. Pour les observateurs, cette affaire reflète les tensions croissantes entre un pouvoir politique cherchant à consolider son contrôle et une opposition qui dénonce des dérives autoritaires. La manière dont ce procès se déroulera pourrait avoir des implications majeures sur la perception de l’état de droit au Bénin.

Un procès à suivre de près

Alors que l’audience reprendra le 23 janvier 2025, cette affaire reste un test crucial pour la CRIET et le système judiciaire béninois. Entre accusations de complot, contestations juridiques et enjeux politiques, le procès d’Olivier Boko soulève des questions profondes sur l’équilibre entre justice et pouvoir. Le monde entier observe, et l’issue de ce procès pourrait redéfinir la trajectoire de la démocratie béninoise.

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