Célestine Zanou, présidente du parti Dynamique du Changement pour un Bénin Debout, et figure politique marquante, s’attaque à un problème fondamental du pays: la réconciliation nationale et la construction d’une société juste et équitable. À travers ses propos, elle prône un dialogue authentique, un retour à la vérité et une lutte contre l’amnésie collective. Elle propose des solutions pour sortir de l’impasse politique et moraliser les pratiques de gouvernance. Des idées qui visent à purifier les mentalités et à redonner à la parole politique sa valeur perdue. À travers ses propositions, Célestine Zanou invite le Bénin à se réconcilier avec lui-même pour avancer ensemble vers un avenir plus juste.
La politique béninoise, comme bien d’autres en Afrique, a longtemps été marquée par des divisions, des conflits sociaux, et une gestion chaotique des crises nationales. Dans ce contexte, la voix de Célestine Zanou, présidente du parti Dynamique du changement pour un Bénin Debout, s’élève comme un cri de révolte et d’espoir. Loin des discours de façade et des promesses vides, elle plaide pour une véritable réconciliation, un processus qui ne se contente pas de “jó xó dó” (apaiser en surface) mais qui s’attaque aux racines des divisions. C’est avec cette conviction que Zanou met en lumière ce qu’elle considère comme la véritable condition d’un apaisement durable : la justice, la vérité et la mémoire.
Dans sa récente déclaration, elle dévoile une vision de la réconciliation nationale, qui, à ses yeux, ne se résume pas à un simple processus d’amnistie ou à un dialogue sans fondement. La réconciliation, pour Célestine Zanou, repose sur un processus en trois temps qui inclut la vérité, la justice et la mémoire. À travers cette approche, elle invite le Bénin à se regarder dans un miroir et à affronter ses démons pour guérir véritablement des blessures de son passé. Mais cette démarche de réconciliation, selon elle, ne peut s’accomplir sans un travail profond de restauration de la parole politique et un assainissement des mentalités.
1. Le « jó xó dó » sans « ma ɖɔ xó ó » : un vivre-ensemble de façade
Le premier point que soulève Célestine Zanou dans sa déclaration est ce qu’elle qualifie de « vivre-ensemble de façade » instauré par la tendance actuelle à privilégier l’apaisement superficiel plutôt qu’un véritable travail de fond. À l’image de la célèbre expression béninoise « jó xó dó » sans « ma ɖɔ xó ó« , elle critique une réconciliation qui ne résout pas les vrais problèmes. Selon elle, le Bénin est tombé dans un piège où l’on se contente de faire semblant d’apaiser les tensions sans jamais traiter les causes profondes des conflits. La vérité, pour elle, n’est pas négociable et doit être le fondement même de tout processus de réconciliation.
Le dialogue sincère et le discours rationnel, prônés par Célestine Zanou, sont donc au cœur de sa stratégie pour reconstruire un tissu social déchiré. Elle cite, à ce sujet, l’exemple de la République Sud-Africaine de Nelson Mandela, qui a compris l’importance d’instaurer une commission de la vérité et de la réconciliation. Célestine Zanou souligne que le Bénin doit s’inspirer de ce modèle, mais non seulement en convoquant des dialogues de courtoisie, mais en allant jusqu’au bout de la vérité, même si cela doit passer par un travail difficile et douloureux. Elle évoque à cet effet la nécessité de discuter et d’éclairer nos chemins dans l’œuvre de construction de la nation en créant des espaces dédiés à un dialogue véritable.
2. Restaurer la sacralité de la parole politique
L’un des axes les plus frappants de sa réflexion est la restauration de la sacralité de la parole donnée, en particulier la parole politique. Selon elle, la parole politique au Bénin a été profanée par des leaders politiques dont les propos d’hier ne correspondent plus aux pratiques d’aujourd’hui. Ce constat est d’autant plus douloureux qu’il compromet la confiance entre les dirigeants et le peuple. L’exemple donné par Célestine Zanou est sans ambiguïté : la parole doit retrouver sa dignité et son intégrité pour permettre la construction d’une société fondée sur la vérité et la justice.
Pour elle, ce retour à l’intégrité politique est indispensable à l’évolution de la démocratie béninoise. Elle met en lumière un problème majeur : les hommes politiques ont dévoyé la parole politique en multipliant les promesses non tenues et en manquant de cohérence dans leurs actions. La restauration de la parole politique est donc perçue comme un acte de salut pour le pays. En insistant sur l’importance de l’engagement politique sincère, elle rappelle qu’une nation ne peut se construire que sur des bases solides, c’est-à-dire sur des principes de vérité et de justice.
3. L’importance de la mémoire pour la construction de l’avenir
Un autre aspect fondamental des propositions de Célestine Zanou est le devoir de mémoire. En insistant sur l’importance de se souvenir, elle critique l’amnésie qui semble s’être installée dans le pays. Selon elle, le Bénin ne doit pas oublier ses erreurs passées, ses crises et ses moments historiques douloureux. Se souvenir, c’est apprendre à ne pas répéter les mêmes erreurs et à tirer des leçons du passé pour éviter de tomber dans les mêmes pièges. Cette mémoire collective, qui traverse les époques (de 1963 à 2021), doit être un fondement pour réconcilier les Béninois avec leur histoire.
Célestine Zanou appelle ainsi à la création de mécanismes de mémoire afin de transmettre aux jeunes générations les leçons de l’histoire et de préparer un avenir fondé sur les principes de vérité et de justice. La mémoire collective n’est pas seulement un outil de compréhension du passé, mais aussi une ressource pour la construction de l’avenir. À travers cette démarche, elle propose une forme de guérison des blessures sociales en mettant en avant l’idée que ce qui ne se souvient pas ne se guérit pas.
4. Assainir les mentalités pour sortir du pragmatisme destructeur
Enfin, l’un des éléments les plus frappants dans son discours est l’appel à un assainissement des mentalités. Célestine Zanou critique vigoureusement le pragmatisme qui prévaut dans la politique béninoise, le qualifiant de doctrine ennemie de la morale et de l’éthique. Selon elle, ce pragmatisme est responsable de la corruption des valeurs politiques et sociales au Bénin, car il privilégie les intérêts immédiats et individuels au détriment du bien-être collectif. Pour illustrer cette réflexion, elle raconte une allégorie du roi et du grain de maïs qui symbolise l’importance de l’intégrité et de la vérité dans la prise de décision.
Dans cette parabole, les successeurs du roi ont été confrontés à un choix : faire preuve de vérité ou se conformer à la logique du pouvoir à tout prix. Seule la personne qui a agi en toute intégrité a vu son action couronnée de succès. Ce récit illustre parfaitement l’idée selon laquelle le vrai doit être le leader, non les personnes prêtes à tout pour obtenir le pouvoir, peu importe les moyens utilisés.
Une voie vers un avenir réconcilié
Les propositions de Célestine Zanou vont au-delà d’un simple appel à la réconciliation. C’est un véritable programme pour assainir la vie politique du Bénin. Par son engagement pour la vérité, la justice, la mémoire et l’assainissement des mentalités, elle propose une nouvelle vision de la politique béninoise, plus éthique et plus sincère. Son discours appelle à un dialogue authentique et profond, à la restauration de la parole politique et à un retour à la morale et à l’éthique dans les pratiques de gouvernance. Le chemin qu’elle propose est certes difficile, mais il est essentiel pour sortir du cercle vicieux des crises récurrentes et de la mauvaise gouvernance. La réconciliation, selon Célestine Zanou, ne peut être qu’un processus fondé sur la vérité, la justice et un souvenir collectif. C’est ainsi qu’elle imagine un Bénin unifié, plus juste, et capable de relever les défis du futur. Une nation qui pourrait en effet retrouver la voie de la stabilité et de la prospérité, loin des divisions et des contradictions qui ont marqué son passé récent.
—————————————-
Célestine Zanou, née en 1960 au Bénin, est une géographe et agro-économiste, ainsi qu’une figure politique importante. Professeure certifiée de géographie et polyglotte, elle se spécialise en économie et agro-alimentaire après deux ans d’enseignement. Elle a occupé des postes clés, dont directrice de cabinet du ministère du Plan et du Président Mathieu Kérékou. En 2006, elle entre en politique et fonde le parti Dynamique du Changement pour un Bénin Debout. Elle se présente à l’élection présidentielle de 2016 et mène des missions diplomatiques en Afrique, notamment pour l’ONU et la CEDEAO. Elle est l’auteure des « Convictions », un ouvrage qui retrace ses réflexions sur la démocratie et la politique en Afrique. Elle reçoit plusieurs distinctions, dont le prix Cléopâtre en 2018. Célestine Zanou est aussi une militante pour la préservation de la mémoire historique du Bénin, en particulier la Conférence nationale de 1990.
—————————————–

La déclaration (transcrite) de madame Célestine Zanou
«jó xó dó» sans «ma ɖɔ xó ó”
On demande de “jó xó dó” et on ne “ɖɔ xó” pas. Cette tendance à l’apaisement sans vider le dossier a édifié chez nous au Bénin un vivre-ensemble de façade. Il faut apprendre à crever les abcès pour un réel apaisement des cœurs. La réconciliation n’est réalité que dans la justice et la vérité.
C’est un processus en trois temps et la République d’Afrique du Sud de Nelson Mandela l’a si bien compris avec la commission mise en place à l’époque dans ce pays. Il nous faut donc construire au Bénin une société de discussion courtoise, de dialogue et de discours rationnels délivrés dans une certaine agora pour éclairer nos chemins dans l’œuvre de construction de la nation.
Donc voilà, il faut rompre avec le ”jó xó dó ma ɖɔ xó ó”
Deuxième moyen que j’ai trouvé: C’est de restaurer la sacralité de la parole donnée et l’intégrité de la parole politique. En effet, dans notre pays, la parole politique a été profanée. Profanée par du personnel politique majeur. Je veux dire des personnalités qui ont rang de leader. Ils ont rendu leader, cet anglicisme devenu usuel en français et qui veut dire personne qui conduit, des meneurs d’hommes. Donc des gens qui sont devenus des gens à parole douteuse.
Des gens qui n’inspirent plus confiance. Des gens en qui on peut opposer des propos d’hier qui sont aux antipodes des pratiques d’aujourd’hui. Or, il est une évidence que la cité ne se construit que sur la vérité. J’ai souvent entendu dire, Monseigneur De Souza, – paix à son âme – servir un adage de chez nous qui dit «xó jó xó wê nɔ́ kplé to». C’est la vérité qui unit et réunit. A la conférence nationale de 1990. Avoir déballé des choses, qualifié des choses. Rester dix jours ensemble pour parler de notre pays a laissé forcément une trace positive. La trace, c’est la culture du dialogue pour nous sauver nous-mêmes. Il nous faut donc des instances de vérité qui nous aident à repartir de nouveau. A rebondir après chaque crise mineure, évitant ainsi le conflit. Il faut donc recourir au dialogue, mais à un dialogue de vérité. A la discussion sociale permanente.
Ma troisième stratégie que j’ai proposée : C’est de faire un mémoire, c’est un souvenir, ce souvenir, parce que c’est en se souvenant qu’on construit l’avenir. L’amnésie doit cesser d’être notre seconde peau au Bénin. L’amnésie est notre seconde peau. Et c’est la seule façon d’apprendre à tirer leçon du passé.
1963, j’en ai parlé, 70, 89, 96, 2011, 2019, jusqu’en 2021. Nous devons tirer leçon de tout ça pour éviter de retomber dans les mêmes errances. Au titre donc des stratégies endogènes, j’ai une autre que j’ai appelée l’assainissement des mentalités. Nous devons sortir du paradigme politique ambiant chez nous, qui est un pragmatisme. Un pragmatisme, c’est une doctrine ennemie de la morale et de l’éthique. En cela, c’est l’allégorie du roi et du grain de maïs qui m’inspire. Il était une foi, un roi, un souverain. Très vieux, d’âge très avancé, qui devait partir. Mais il ne mourait pas. Et ses successeurs potentiels sont venus le voir pour lui dire, «Mais il faut partir. Si tu ne meurs pas, tu quittes le trône et nous on s’installe parce qu’on prend de l’âge. » Et le souverain leur a répondu, «Mais il n’y a pas de problème. Je vous donnerai satisfaction, mais à une condition. » Et la condition, c’est qu’il leur a distribué des grains de maïs à les mettre en terre et à revenir après les résultats pour que la décision se prenne. Ils sont partis tout contents avec leurs grains de maïs qu’ils sont allés mettre en terre. Le maïs n’a pas germé. Le maïs n’a pas germé. Mais qu’est-ce qu’on fait ? La plupart d’entre eux sont allés acheter du maïs, des sacs de maïs, des tonnes de maïs, qu’ils ont amenés le jour J au roi, au souverain. Mais un seul est venu les mains vides et ils ont dit, « Oh, roi, voilà le résultat. » Donc, la décision doit être prise aujourd’hui pour qu’on prenne le pouvoir. Et le roi leur a répondu. Et le roi… « La semence que je vous ai donnée ne peut pas germer. La semence ne peut pas germer, donc vous ne pouvez pas avoir ce résultat ». Dans le lot. Le seul qui était là, c’est lui qui était en train de dire la vérité. Je vous dis ça parce que, dans le contexte béninois, qu’est-ce qu’on nous aurait dit ? Ceux qui ont amené des sacs de maïs, ils sont intelligents. Il est «bi», il est «bi» face à l’enjeu qui était de prendre le pouvoir. Il est «bi» et l’autre, il est bête, il est «gou». Or, c’est l’inverse. C’est l’autre qui n’a rien amené qui est dans le vrai. C’est lui l’intègre et les autres sont dans le faux. Donc, chez nous, en général, quand on a une situation comme ça, on dit «yé bi», «mɛ e biô». Si nous n’assainissons pas cette mentalité, nous allons continuer à promouvoir des gens faux, au détriment des gens vrais. Or, c’est le vrai qui doit être meneur d’hommes. Voilà pourquoi j’ai voulu partager avec vous cette allégorie pour justifier ma proposition d’assainissement, de mise en place d’un cadre d’assainissement des mentalités chez nous. Ma dernière conférence sur l’anniversaire de décès de Mgr Isidore de Sousa m’avait déjà donné l’occasion de toucher un peu le sujet en disant que c’est un monsieur qui nous a donné un testament que nous devons exploiter. Et dans lequel nous trouverons forcément des idées pour mettre en place des mécanismes qui nous permettent de corriger cette mentalité bizarre que nous avons. Voilà donc les quatre stratégies, moyens que j’ai trouvés pour gérer les crises chez nous.