Au lancement du parti politique «Le Libéral», son leader Boni Richard Ouorou prend la parole et plante un décor idéologique inattendu. Un discours vigoureux, à la fois critique et rassembleur, qui appelle à dépasser les clivages classiques pour repenser l’engagement citoyen. Décryptage d’une sortie politique qui rompt avec les codes établis.
Dès les premières lignes de sa déclaration, Richard Boni Ouorou frappe fort : «On n’a pas besoin d’être avec Yayi Boni, d’être avec Patrice Talon pour être béninois.» En somme, il rejette la bipolarisation qui paralyse souvent le débat politique béninois. Dans un ton direct, parfois interrogatif, il met à nu les réflexes identitaires de la scène politique, ces affiliations quasi-tribales à des figures de pouvoir. Sa réponse est claire: l’appartenance nationale prime. En affirmant que «être béninois, c’est déjà suffisant», il revient à une forme de patriotisme républicain, une citoyenneté déconnectée des clans, ouverte à l’expression plurielle. Il veut porter une alternative où l’adhésion politique ne dépend pas d’un camp, mais d’un projet. Son objectif : créer un espace où le débat se nourrit d’idées, non d’alliances figées.
Et c’est là toute la singularité de son approche: refuser la tentation du positionnement stratégique pour préférer la construction d’un discours enraciné dans des principes. Le Libéral n’est pas une force d’appoint, mais une volonté de recomposition.
La nuance comme socle, la solidarité comme moteur
Dans un contexte où les postures binaires dominent, Boni Richard Ouorou introduit une notion rare en politique : la nuance. «C’est facile de prendre position, mais si vous restez nuancé, vous pouvez dépasser certaines contradictions», affirme-t-il. Par cette phrase, il rappelle que la complexité du réel ne peut être contenue dans des slogans. La nuance, pour lui, n’est pas faiblesse, mais force. Elle est synonyme de maturité politique. Ce choix s’illustre aussi dans son appel à «faire la part des choses», à trouver l’équilibre, à ne pas céder à la tentation de l’élimination symbolique de l’adversaire. Il ne s’agit pas de neutralité molle, mais de refus de l’extrémisme. Une posture rare dans les arènes politiques surchauffées.
Mais cette nuance n’est pas un repli. Elle se conjugue avec une exigence de solidarité. À travers une anecdote personnelle sur un député cherchant à financer les études de sa fille au Canada sans disposer de ressources pour sa campagne, il pointe du doigt l’incohérence de priorités égoïstes qui gangrènent la vie publique. «L’égoïsme a longtemps tué notre pays», lance-t-il. Le partage devient alors une urgence nationale. Sa vision du collectivisme n’est pas celle d’un État omniprésent, mais d’une société engagée. Il appelle à une responsabilité partagée où chacun reconnaît l’autre comme un égal. C’est dans cette solidarité réelle qu’il voit la résilience du Bénin.

Une démocratie au-delà du vote
L’autre rupture forte dans son discours concerne la définition même de la démocratie. Boni Richard Ouorou déplace le curseur: «La démocratie ce n’est pas seulement une question d’élection.» Là où beaucoup réduisent l’exercice démocratique au vote, il y voit une vision globale: une économie solide, une prospérité équitablement partagée, une transparence dans la gestion. Il critique ouvertement une élite politique experte en droit électoral mais déconnectée des enjeux d’efficacité. À ses yeux, la démocratie se mesure à la capacité d’un État à planifier, produire, redistribuer. Il relie ainsi gouvernance et dignité. Ce lien entre performance économique et stabilité politique s’appuie sur une conviction simple: sans bien-être collectif, la démocratie est une coquille vide.
Loin des discours convenus, il trace une feuille de route idéologique pour « Le Libéral», qu’il conçoit comme un instrument d’éducation politique, un levier d’élévation citoyenne. Il parle d’un « mouvement d’élévation politique», insistant sur l’idée que les Béninois doivent être les auteurs de leur destin, portés par une conscience éclairée. En somme, à travers ce discours, Richard Boni Ouorou se positionne comme une voix à part. Sa démarche n’est pas celle d’un politicien classique en quête de suffrages immédiats, mais celle d’un pédagogue politique, qui veut reconstruire un lien brisé entre les citoyens et leurs institutions. Il parle d’avenir, mais surtout de méthode: nuance, solidarité, efficacité.
Son pari est ambitieux: refonder le contrat démocratique sur la base d’un humanisme actif. Le Libéral, s’il reste fidèle à cette boussole, pourrait bien incarner ce souffle neuf que beaucoup appellent de leurs vœux dans le paysage politique béninois.