Dans une interview exclusive accordée à Canal 3 Télévision, Richard Boni Ouorou, fraîchement installé à la tête du Parti Libéral, dévoile la genèse, l’idéologie et les ambitions de cette nouvelle formation politique béninoise. Éloigné des traditionnels affrontements entre les figures de Yayi Boni et Patrice Talon, il prône un libéralisme « équilibré et contextualisé » et critique avec véhémence le système partisan actuel, tout en affichant sa détermination à participer à toutes les échéances électorales, y compris la présidentielle de 2026.
De l’initiative citoyenne au parti politique : un accouchement difficile
Richard Boni Ouorou revient sur le parcours sinueux qui a mené à la création officielle du Parti Libéral, actée le 5 avril 2025. De la simple « Initiative Bénévole » à la reconnaissance en tant que parti politique, le chemin fut semé d’embûches administratives. « L’obtention du récépissé a été un véritable parcours du combattant », confie-t-il. Le congrès fondateur, initialement prévu en présentiel, a dû se tenir en visioconférence face au refus d’autorisation, avant d’être finalement validé après de multiples échanges avec le ministère de l’Intérieur. Ces difficultés initiales témoignent, selon Ouorou, des lourdeurs bureaucratiques qui entravent l’émergence de nouvelles forces politiques au Bénin.

Un « libéralisme équilibré » ancré dans les réalités africaines
Au cœur du projet du Parti Libéral se trouve une vision singulière du libéralisme. Richard Boni Ouorou insiste sur le caractère « équilibré et contextualisé » de leur approche. « Il ne s’agit pas d’importer des modèles occidentaux tels quels », explique-t-il. Pour le Parti Libéral, les valeurs de l’économie ouverte doivent s’accompagner d’une protection stratégique des secteurs clés. Les libertés individuelles, bien que fondamentales, nécessitent un cadre, et l’État doit jouer un rôle de stratège pour impulser le développement. Plus encore, Ouorou affirme que leur libéralisme se veut un instrument de justice sociale, visant à réduire les inégalités et à offrir des opportunités à tous les Béninois.
Affranchissement des clivages et critique des « Démocrates »
Le positionnement politique du Parti Libéral se veut distinct des dynamiques actuelles qui polarisent la scène béninoise autour des figures de Yayi Boni et Patrice Talon. « On essaie de nous enfermer dans un choix binaire, mais nous voulons construire une alternative responsable, qui transcende ces divisions », déclare Richard Boni Ouorou avec conviction. Cette volonté de se démarquer se traduit notamment par une critique acerbe du parti « Les Démocrates ». Ouorou estime leur fonctionnement « populiste, peu structuré et excessivement tourné vers des stratégies victimaires », excluant catégoriquement toute alliance future avec cette formation.
Réforme du système partisan et code électoral : des freins à la démocratie participative
Richard Boni Ouorou ne mâche pas ses mots concernant le cadre légal régissant la vie politique béninoise. Il critique vivement la réforme du système partisan et le code électoral actuel, les jugeant « contraignants, inéquitables et inhibiteurs d’initiatives ». Selon lui, l’exigence d’obtenir 20 % des voix pour la reconnaissance d’un parti est « statistiquement irréaliste » pour les nouvelles formations et constitue un véritable frein à la démocratie participative, risquant d’étouffer la pluralité politique.
Priorité à l’économie et à l’emploi : un appel au débat de fond
Pour le président du Parti Libéral, il est impératif de recentrer le débat public sur les questions économiques et l’emploi. « L’État a un rôle crucial à jouer pour créer des opportunités et protéger les emplois existants », affirme-t-il. Tout en reconnaissant certains progrès du gouvernement actuel, notamment en matière d’accès au financement international, il souligne un « déséquilibre » dans la répartition des bénéfices de la croissance entre les différents secteurs de l’économie.
Réckya Madougou et Joël Aïvo
entre mobilisation et récupération politique
Richard Boni Ouorou aborde également la situation des personnalités politiques emprisonnées, Réckya Madougou et Joël Aïvo. Il affirme avoir personnellement mobilisé des milliers de signatures pour demander la libération provisoire de Madougou, mais dénonce une « récupération politique » de son cas par certains acteurs. Il va même jusqu’à émettre des doutes sur la sincérité de certains au sein des Démocrates quant à une réelle volonté de voir Madougou recouvrer sa liberté, par crainte de la voir prendre la direction du parti.
Ambitions électorales et ouverture conditionnelle aux alliances
Le Parti Libéral affiche clairement sa détermination à participer à toutes les prochaines échéances électorales, y compris la très attendue présidentielle de 2026. Si Richard Boni Ouorou sera lui-même candidat, il précise que cette décision reviendra au parti. Concernant d’éventuelles alliances futures, il se montre ouvert, mais pose une condition sine qua non : un partage de visions politiques fondamentales. Il révèle avoir adressé des courriers à d’autres formations politiques et attend leurs réponses pour explorer d’éventuelles convergences.
Un positionnement audacieux, mais des défis considérables
L’émergence du Parti Libéral et le discours de son président, Richard Boni Ouorou, marquent une tentative de redéfinir le paysage politique béninois. Sa stratégie de se positionner en dehors des clivages traditionnels pourrait séduire une jeunesse désabusée et une classe moyenne en quête de nouvelles alternatives. Son approche d’un « libéralisme à la sauce béninoise », prônant un État à la fois facilitateur et protecteur, s’inscrit dans une tendance panafricaine d’adaptation des modèles aux réalités locales.
Cependant, cette stratégie audacieuse comporte également des risques. En s’isolant des forces politiques établies, le Parti Libéral pourrait voir ses marges de manœuvre limitées à court terme. De plus, les critiques virulentes à l’égard des « Démocrates » pourraient créer des inimitiés durables. Si la volonté de participer à toutes les élections est clairement affichée, l’absence de moyens financiers concrets, évoquée en filigrane, soulève des interrogations quant à la capacité du parti à rivaliser dans un système électoral coûteux.
Un nouvel acteur à suivre
L’interview de Richard Boni Ouorou révèle un acteur politique ambitieux qui entend restructurer le débat public autour de l’économie, de la jeunesse et de la responsabilité démocratique. Sa volonté de rupture avec les pratiques politiciennes classiques est un atout, mais pour transformer ses idées en une véritable force électorale, il devra structurer son discours, bâtir un réseau solide et surmonter les défis financiers inhérents à la conquête du pouvoir. Le Parti Libéral est un nouveau joueur à suivre attentivement sur l’échiquier politique béninois.