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Romuald Wadagni : Complice du coup de force en préparation contre ses futures fonctions ou victime ?

Derrière l’apparente ascension de Romuald Wadagni vers la présidence se dessine une mécanique politique bien rodée. Tandis que l’opposition est neutralisée et que la Constitution s’apprête à être remodelée pour transférer les pleins pouvoirs à une institution taillée sur mesure, une question s’impose : Wadagni sera-t-il l’artisan de sa propre dépossession ou le symbole d’une révolte politique inattendue ?

Toutes les conditions semblaient réunies pour que le ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, accède sans encombre à la présidence de la République. Après son adoubement par la majorité présidentielle, l’élimination méthodique de l’opposition, la dislocation du principal parti rival, la mise au silence de figures contestataires comme Comlan Hugues Sossoukpè et Steve Amoussou, ainsi que l’emprisonnement de Joël Aïvo et de Réckya Madougou, son élection ne paraissait plus qu’une formalité.

Mais derrière cette succession d’étapes orchestrées, certains observateurs avertis de la scène politique béninoise n’étaient pas dupes : Patrice Talon n’a jamais eu l’intention de céder le pouvoir. La confirmation est venue avec l’annonce, vendredi dernier, d’un cinquième projet de révision constitutionnelle en une décennie. Une réforme dont le véritable enjeu semble être le transfert des principales prérogatives présidentielles à une institution non élue, comparable au Conseil des gardiens de la révolution iranienne — et que beaucoup soupçonnent d’être conçue pour rester sous le contrôle absolu de… Patrice Talon lui-même.

Romuald Wadagni

Wadagni, dans les rôles de pantin ou faire-valoir ?

Il faut parfois cesser de tourner autour du pot : ce qui se joue au sommet de l’État béninois ressemble fort à un coup d’État institutionnel en costume trois pièces. Sous le vernis d’une réforme présentée comme un progrès démocratique, se cache une mise en scène minutieuse, écrite pour un seul acteur principal – celui du Palais de la Marina – qui rêve d’un pouvoir à vie.

Et dans cette pièce, quel rôle revient à Romuald Wadagni ? Celui du pantin élégant, costume repassé, gestes calibrés, tiré par les fils invisibles du metteur en scène ? Ou celui du faire-valoir utile, placé juste assez haut pour refléter la lumière du trône, mais jamais assez libre pour en projeter la sienne ?

La question brûle les lèvres : savait-il, avant de prêter serment, qu’il ne serait que le figurant d’un scénario déjà écrit, où le vrai pouvoir continue de régner en coulisses ?
Ce théâtre politique a ses marionnettes, ses machinistes… et un public désormais lucide, qui commence à deviner les fils qui dépassent du décor.

Wadagni saisira-t-il enfin cette révision constitutionnelle pour acquérir la légitimité politique qui lui manque ?

S’il n’est pas impliqué dans le complot en cours, Romuald Wadagni saura-t-il, maintenant que la voie vers le palais de la Marina semble toute tracée, se dresser contre ce coup de force institutionnel ? Ou choisira-t-il, comme le murmurent ses détracteurs, d’en être le complice silencieux, lui qui a récemment ouvert le dialogue avec les six députés démissionnaires du parti Les Démocrates — maillon manquant pour offrir à la mouvance présidentielle la majorité nécessaire à l’adoption de la réforme ?
Monsieur Wadagni, cette nouvelle révision constitutionnelle ne sera-t-elle pas l’occasion, enfin, de conquérir la légitimité et la stature d’homme politique que dix années passées au gouvernement n’ont pas su vous conférer ?

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