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Bénin/Les véritables raisons de l’arrestation du Général Houndégnon

Jusqu’à son arrestation le 14 novembre 2024, Houndégnon s’est toujours appuyé fermement sur les décisions de la CADHP d’Arusha, particulièrement sur l’arrêt final de décembre 2020, pour exiger un retour à la Constitution de 1990. Ce combat juridique est la raison centrale de son arrestation. À travers cette position, le général s’est mis à dos tout le système politico-administratif. Mieux, les relations conflictuelles entre Louis Philippe Houndégnon, ancien Directeur Général de la Police Nationale, et l’actuel président Patrice Talon ont fini par «empoisonner» leurs rapports.

Que reproche-t-on véritablement à Louis Philippe Houndégnon ? À en juger par les éléments avancés officiellement pour justifier son arrestation, l’homme aurait été coupable de harcèlement par le biais d’une communication électronique et d’incitation à la rébellion. Pourtant, aucune preuve tangible n’a pu, à ce jour, étayer ces accusations. Les témoignages recueillis auprès des sources bien introduites aussi bien à la police qu’à la CRIET montrent un vide accablant de preuves contre l’accusé. Dès lors, une question se pose : ne s’agirait-il pas là d’une pure tentative de museler un homme qui, par son discours et ses antécédents professionnels avec l’actuel locataire de la Marina, représente une menace sérieuse au pouvoir en place ?

Louis Philippe Houndégnon : Martyr de la démocratie ?

Les relations conflictuelles entre Louis Philippe Houndégnon, ancien directeur général de la Police nationale, et l’actuel président Patrice Talon trouvent leurs racines dans l’affaire de la tentative d’empoisonnement de Boni Yayi, dont Talon était accusé. Houndégnon, figure clé de l’enquête à l’époque, est aujourd’hui accusé de harcèlement et d’incitation à la rébellion. Mais derrière ces accusations se cache-t-il un réel fondement criminel ou une volonté politique de faire taire un adversaire encombrant ? L’absence de preuves tangibles, confirmée par des sources proches de la police et de la CRIET, laisse planer un doute sur la légitimité de son arrestation. À l’heure où ses revendications démocratiques dérangent, la question est posée: Houndégnon est-il victime d’une machination visant à museler un opposant, ou véritablement coupable des faits qui lui sont reprochés ?

Il faut se pencher sur le contexte de son arrestation pour comprendre les véritables raisons de cette affaire. Houndégnon avait récemment annoncé, lors de son intervention sur la chaîne de Vital Panou, qu’il comptait célébrer le 11 décembre 2024 la fête de la Constitution de 1990, une Constitution qui, selon lui, garantit bien mieux les droits des citoyens que la Constitution amendée en 2019. Cette promesse a clairement effrayé le régime en place. Quatre jours après cette annonce, le général était arrêté et écroué. Il semblerait que cette volonté de rappeler les fondements démocratiques de la République ait fait de lui une cible à abattre pour les autorités béninoises.

La date n’est pas anodine, car la Constitution de 1990 reste, pour de nombreux Béninois, un symbole de démocratie et de liberté. Elle est perçue comme une protection contre les dérives autocratiques. Le fait que Houndégnon ait voulu commémorer cette Constitution, au moment même où le pays est marqué par une répression accrue des libertés civiles, a sans doute été perçu comme une menace directe par le pouvoir en place. Pour l’empêcher de rassembler le peuple autour de cette date symbolique, l’arrestation semblait être la solution choisie par le régime.

Le retour à la Constitution de 1990 : un combat qui dérange

Houndégnon ne se contente pas de dénoncer la situation actuelle. Il brandit deux arrêts de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), dont l’arrêt final de décembre 2020, pour revendiquer un retour à la Constitution de 1990. Selon le général, la seule position juridiquement soutenable est de se conformer aux exigences de la CAHDP, lesquelles appellent à une révision constitutionnelle basée sur le consensus national et au respect des droits humains fondamentaux. En exigeant l’exécution de cette décision, Houndégnon se place dans une position juridique inexpugnable, s’appuyant sur des textes internationaux que le Bénin a ratifiés.

Cette prise de position n’a évidemment pas plu au régime en place. En revendiquant le retour à la Constitution de 1990, Houndégnon conteste la légitimité même de toutes les institutions issues de la Constitution de 2019, y compris la Cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et même le deuxième mandat de Patrice Talon. Sa lutte, menée aux côtés du mouvement 11/12, est fondée sur des bases juridiques et constitue une menace directe à la stabilité du régime. Cette position, la seule juridiquement soutenable, est donc également la plus dérangeante pour ceux qui détiennent le pouvoir.

La décision de la Cour Africaine : un rappel des droits fondamentaux

L’arrêt de décembre 2020 de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est au cœur de la revendication de Houndégnon. Cet arrêt avait été rendu à la suite de la plainte déposée par Sébastien Ajavon contre la République du Bénin. La Cour avait jugé que l’État béninois avait violé de manière répétée les droits fondamentaux des citoyens, notamment le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et morale, et la liberté d’association. L’État a également été critiqué pour l’absence d’indépendance de sa justice et pour des mesures qui ont restreint les libertés politiques, comme l’interdiction des candidatures indépendantes.

Les mesures correctives ordonnées par la Cour incluaient la révision de lois électorales et la suppression de dispositions limitant le droit de grève, ainsi que la garantie d’une indépendance des institutions judiciaires et électorales. Malgré cela, l’État béninois n’a toujours pas mis en œuvre ces réformes, défiant ainsi les normes internationales et compromettant sa légitimité sur la scène internationale. Pour Houndégnon, ce refus de se conformer aux exigences de la Cour est non seulement un signe de faiblesse, mais également une trahison des valeurs démocratiques du Bénin.

Houndégnon : la voix qui dérange un système verrouillé

La position de Houndégnon a eu un effet de détonateur sur la classe politique. Elle a mis en lumière la fragilité du bloc au pouvoir, notamment après l’affaire maladroite du présumé coup d’État impliquant Olivier Boco et Oswald Homeky. Cette position a également révélé les faiblesses de l’opposition officielle, en particulier le parti « Les Démocrates », qui, selon Houndégnon, sert d’alibi démocratique à Patrice Talon. En acceptant de participer aux élections de 2019, pourtant invalidées par la CADHP , ce parti a offert une légitimité que le régime n’aurait pas dû obtenir. Pour le régime, il est crucial de maintenir cette apparence de démocratie, et toute voix contestant la légitimité de ces institutions est immédiatement considérée comme une menace à neutraliser.

Louis Philippe Houndégnon, par ses revendications et son refus de se taire, est aujourd’hui la figure de proue de la contestation démocratique au Bénin. Sa lutte ne se limite pas à un simple conflit politique ; c’est un combat pour la reconnaissance des droits humains, pour la justice, et pour le retour à une démocratie véritable, fondée sur le respect des institutions et des droits fondamentaux.

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Encadré :

Bien comprendre l’arrêt rendu par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Le 4 décembre 2020, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu un arrêt concernant l’affaire opposant Sébastien Ajavon à la République du Bénin. Ajavon, homme politique et réfugié en France, accusait l’État béninois de violations multiples de ses droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, le droit de participer aux affaires publiques, et la liberté d’association. La Cour a jugé l’État coupable de plusieurs violations graves, dénonçant l’entrave à la liberté de grève, le manque d’indépendance des institutions judiciaires, ainsi que l’interdiction des candidatures indépendantes, qui restreignent la participation citoyenne.

La Cour a ordonné des réformes majeures, notamment la modification des lois électorales et la révision de dispositions concernant le droit de grève. Ces injonctions s’inscrivent dans un délai strict de trois à six mois, soulignant l’urgence de restaurer les droits et libertés fondamentaux. Bien que l’État béninois ait déjà rejeté certaines demandes, comme la dissolution de la Cour constitutionnelle, la Cour a mis en garde contre la non-exécution de ses décisions, posant ainsi un sérieux défi aux autorités.

L’arrêt constitue un rappel cinglant des engagements internationaux en matière de droits humains. Pour Ajavon et d’autres opposants, cette décision offre un espoir de justice face à une répression croissante. Mais au-delà de la symbolique, l’enjeu reste la mise en œuvre effective des réformes, un test crucial pour l’État béninois, appelé à prouver son attachement aux valeurs démocratiques et aux droits fondamentaux de ses citoyens.

Le Bénin, autrefois loué pour son modèle démocratique, semble avoir basculé vers une spirale répressive qui ne cesse de se durcir. L’arrêt du 4 décembre 2020, rendu par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Sébastien Ajavon, jette une lumière crue sur la dégradation des droits fondamentaux dans le pays. L’État béninois est accusé d’avoir violé de manière répétée des droits pourtant garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que d’autres textes internationaux.

L’arrêt est accablant : l’État a violé les droits de grève, les droits à la vie et à l’intégrité physique et morale, et même le droit à la non-discrimination, entre autres. Ces violations concernent des faits divers, des restrictions excessives imposées aux partis politiques et aux candidatures indépendantes, mais aussi la répression brutale des violences post-électorales. La liste est longue, et démontre que le régime actuel a utilisé la loi comme un outil de coercition politique plutôt que comme une protection des libertés publiques.

La Cour a condamné la République du Bénin pour avoir failli à ses obligations de protection des droits humains, en particulier pour ne pas avoir mis en place des institutions indépendantes, et pour avoir maintenu des lois restrictives visant à asphyxier les libertés civiles. L’une des critiques les plus virulentes est la violation de l’obligation de garantir l’indépendance de la Cour constitutionnelle et du pouvoir judiciaire, un aspect essentiel pour la démocratie et l’État de droit.

Des réformes exigées pour un retour à l’État de droit

L’arrêt de la Cour ne se contente pas de dénoncer des violations ; il ordonne à l’État béninois de prendre des mesures correctives. Parmi ces mesures, l’abrogation de certaines lois liberticides, notamment celles concernant la restriction des droits de grève et l’interdiction des candidatures indépendantes. Ce n’est pas tout : l’État est également enjoint de garantir l’indépendance de la Cour constitutionnelle, et de mener des réformes institutionnelles basées sur le consensus national.

Ces injonctions sont un véritable ultimatum pour le Bénin. La Cour donne à l’État des délais précis, notamment trois à six mois, pour se conformer aux décisions, abroger les lois incriminées et assurer des réparations aux victimes des violations. La demande de dissolution de la Cour constitutionnelle a cependant été rejetée, tout comme celle d’invalidation des élections législatives de 2019. Néanmoins, le message est clair : l’État doit se conformer aux normes internationales en matière de droits humains, faute de quoi il risque une pression accrue sur la scène internationale.

Il est intéressant de noter que la Cour a mis en avant le rôle crucial des institutions électorales. Elle reproche à l’État béninois de ne pas avoir créé des organes électoraux indépendants et impartiaux. En effet, les dernières réformes constitutionnelles et électorales ont conduit à une situation où seules les formations politiques agréées par le pouvoir pouvaient participer aux élections, ce qui a contribué à exclure des candidats indépendants et à rendre la compétition électorale totalement inégale.

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