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Bénin/Procès du Général HOUNDEGNON à la CRIET, un parfum de répression politique…

Les poursuites contre le général Philippe Houndegnon et Camille Amoussou devant la CRIET révèlent un phénomène alarmant : l’abandon du principe de la légalité criminelle. Entre instrumentalisation de la justice et répression ciblée, cette affaire pose des questions cruciales sur l’état de droit au Bénin, avec une justice qui plie sous le régime de la rupture.

L’audience du 16 décembre 2024 marque un nouveau chapitre dans les controverses entourant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Les avocats des inculpés, le général Philippe Houndegnon et Camille Amoussou, ont dénoncé la suppression du «minimum légal» dans les procédures judiciaires, une pratique récurrente contre les opposants politiques.

Ce «minimum légal», pierre angulaire du droit pénal, garantit la légalité des poursuites et des peines. Or, la CRIET semble s’être affranchie de ces fondements pour devenir un instrument au service de la répression politique. L’évolution inquiète : entre arrestations arbitraires et condamnations sur des motifs flous, la justice béninoise vacille sous le poids de l’opportunisme politique. La CRIET : un outil de répression masquée ?

Quand la légalité cède le pas à l’opportunité

Dans un système pénal idéal, le parquet engage des poursuites uniquement lorsque les éléments d’une infraction sont réunis, en respectant scrupuleusement la légalité criminelle. Toutefois, la CRIET semble fonctionner sur un modèle différent : celui de l’opportunité des poursuites. Ce système, propre aux régimes totalitaires, confère aux juges et procureurs un rôle d’agents de répression politique, au détriment des libertés individuelles.

Les exemples abondent: de Reckya Madougou à Joël Aïvo, les opposants politiques ont été pris dans des rouages judiciaires opaques. Les conditions de leur arrestation, souvent marquées par des flagrants délits simulés, jettent une ombre sur la crédibilité des poursuites. Les accusations portées, comme le financement du terrorisme ou la tentative de déstabilisation de l’État, semblent taillées sur mesure pour disqualifier ces figures de l’opposition.

L’instrumentalisation des institutions judiciaires

Le cas de Joël Aïvo illustre les mécanismes à l’œuvre. Arrêté sous prétexte de trouble à l’ordre public, il est finalement condamné pour financement du terrorisme. Les éléments à charge reposent sur des fouilles électroniques et des transactions bancaires, mais les doutes sur la provenance de ces preuves restent entiers. Un confident affirme même que les fonds incriminés auraient été déposés sur son compte par des agents du régime, une stratégie perfide visant à le discréditer.

Reckya Madougou, quant à elle, a été accusée de tentative de soulèvement armé. L’analyse de son dossier montre une déconnexion entre les faits reprochés et les motivations de sa condamnation. Son engagement politique et son influence croissante en faisaient une cible de choix pour un régime peu enclin à tolérer la dissidence.

La CRIET, un outil dévoyé

L’histoire de la CRIET est marquée par des procédures contestées. Les jeunes surnommés « Gaymans », accusés d’escroquerie en ligne, sont souvent arrêtés sans garanties légales. Fouilles arbitraires et condamnations précipitent s’enchaînent, laissant peu de place à une justice impartiale.

Les cas de Reckya Madougou et Joël Aïvo ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La suppression du minimum légal et l’interprétation extensive des lois reflètent une dérive systémique. L’article 550 du Code du numérique, initialement prévu pour punir le harcèlement, est ainsi détourné pour justifier des poursuites contre des opposants.

La connivence entre justice et pouvoir

La connivence entre justice et pouvoir exécutif sous le régime de la rupture atteint des sommets. Les magistrats de la CRIET, bien que formés pour garantir l’équité, semblent avoir délaissé leur mission pour se mettre au service du « prince nourricier ». La générosité des traitements octroyés aux juges renforce cette allégeance, compromettant la dignité de la justice.

Un exemple frappant est celui du général Houndegnon. Arrêté dans des conditions humiliantes, sans respect des procédures légales, il illustre la personnalisation de la justice. Ses avocats ont souligné les multiples nullités entachant son dossier, mais le verdict semble joué d’avance. La CRIET, instrumentalisée, devient un outil de contrôle et de répression.

Un recul pour la démocratie

Le principe de légalité des délits et des peines est une garantie fondamentale pour les citoyens. Sa suppression tacite sous le régime actuel rappelle les heures sombres de l’histoire, où des régimes totalitaires comme le nazisme et l’URSS ont détruit l’état de droit.

Entre 1990 et 2016, le Bénin avait acquis une réputation enviable en matière de respect des libertés. La Cour constitutionnelle jouait un rôle déterminant dans la protection des droits humains. Aujourd’hui, la régression est palpable. Les arrêtés arbitraires et les procès biaisés reflètent une justice au service d’intérêts politiques.

Vers une répression assumée ?

Face à ce constat, une répression politique assumée, distincte du droit pénal, pourrait être envisagée. Cela permettrait au régime d’agir sans compromettre la justice. Mais cette option implique une reconnaissance de la dérive actuelle, ce que le pouvoir semble refuser.

En attendant, les citoyens paient le prix de cette instrumentalisation. Le rétablissement de la légalité criminelle reste un impératif pour restaurer la confiance dans les institutions et garantir une justice équitable pour tous.

Le défi de la dignité judiciaire

Le procès du général Houndegnon devant la CRIET met en lumière un système judiciaire en crise, où le respect des droits fondamentaux est sacrifié sur l’autel des intérêts politiques. La suppression pratique du minimum légal pose un péril majeur pour la démocratie béninoise. Les autorités doivent écouter les critiques et réformer un système qui, s’il persiste, risque de détruire l’état de droit et de plonger le pays dans l’arbitraire.

Rétablir la dignité de la justice et respecter les principes fondamentaux de l’état de droit sont les seuls chemins pour garantir un avenir de liberté et d’équité au Bénin. L’histoire jugera sévèrement les dérives actuelles, mais il est encore temps d’agir pour redresser la barre. Le peuple béninois, porteur d’un long héritage de lutte pour la démocratie, ne peut se permettre de capituler devant l’injustice.

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