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Bénin/Liberté de la presse: De l’âge d’or à l’âge de plomb (La chronique d’AtaviDjo)

Au fil des deux dernières décennies, la liberté de la presse au Bénin a connu une odyssée aussi brillante que tourmentée. Elle a traversé des temps de grâce et d’autres, bien plus sombres. Tout a commencé au Renouveau démocratique en 1990 par le printemps de la presse avec Nicéphore Soglo, inaugurant un climat d’enthousiasme démocratique, entre 2001 et 2006, sous le second règne du général Mathieu Kérékou. C’était l’âge d’or. Radios, journaux, télévisions fleurissaient dans un environnement juridico-politique stable et tolérant. Le Bénin rayonnait alors à la 21ème  place du classement mondial RSF — un sommet.

Mais dès 2007, sous l’ère Boni Yayi, la dynamique s’essouffle. L’âge d’argent s’ouvre sur des promesses d’ouverture, vite rattrapées par les premières tensions. Diffamations  judiciarisées, décisions controversées de la HAAC, premiers frissons de censure: le pluralisme tient encore, mais vacille, figé autour de la 70ème  place mondiale.

Entre 2011 et 2015, le doute s’installe. C’est l’âge de bronze, celui des pressions politiques feutrées, de l’autocensure rampant dans les rédactions, et de la désillusion citoyenne. Le pays glisse lentement vers la 78ème place, avec un espace critique qui se rétrécit comme une peau de chagrin. Puis survient la cassure : l’âge de plomb. Depuis 2016, sous Patrice Talon, le Code du numérique transforme la législation en carcan. Les journalistes sont traqués, les voix discordantes bâillonnées. En 2023, le Bénin touche le fond : 121ème place au classement RSF. Le pays, naguère cité en exemple, devient une source d’inquiétude.

Et soudain, en 2024, une éclaircie. Le Bénin remonte à la 78ème place. Mais attention: c’est l’âge de l’illusion. Aucune réforme sérieuse, aucun signal fort. Juste un réajustement statistique. Un baume sur une plaie encore béante. Ainsi va la presse béninoise : de l’éclat à l’étouffement, de la lumière à l’ombre. Une liberté suspendue entre souvenirs glorieux et futurs incertains.

Pensée empathique à ces confrères et profond hommage à ces rédactions réduites au silence, ces studios éteints dans la précipitation, ces imprimeries contraintes d’interrompre leurs rotatives sans même un dernier édito. Et que dire du service public, jadis voix du peuple, devenu simple écho d’un pouvoir particulier ?

Pensée aussi aux lecteurs, auditeurs, téléspectateurs orphelins, privés d’un regard critique, d’une voix familière ou d’une antenne locale qui racontait leur quotidien. Les fermetures de médias ne sont jamais de simples décisions administratives : elles laissent des plaies profondes dans le tissu démocratique, des failles dans la mémoire collective, des silences qui font mal. Les fermetures de médias ne sont jamais de simples décisions administratives : elles laissent des plaies profondes dans le tissu démocratique, des failles dans la mémoire collective, des silences qui font mal.

Qu’on se le dise, derrière chaque média suspendu, ce sont des voix qu’on étouffe, des récits qu’on interrompt, et surtout, des vies bouleversées. Pensée respectueuse à ces centaines de journalistes, techniciens, chroniqueurs, pigistes, animateurs, brutalement poussés vers le chômage et même l’exile. Pour certains, c’est une vocation interrompue. Pour d’autres, une dignité effondrée. Car derrière la censure, il y a toujours une famille, un avenir, un rêve mis à l’épreuve.

Que cette pensée ne soit pas un simple hommage nostalgique, mais un appel renouvelé à la résistance pacifique, à la responsabilité professionnelle, à la solidarité entre professionnels des médias, et à la construction d’un écosystème où plus jamais la vérité ne devra mendier sa place.

@t@viDjo

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